30.10.2023 – Chronique du lundi
30 octobre 2023 § Poster un commentaire
Au fond de cette indicible horreur
Bien chers et chères toutes autant que tous voici donc la Chronique du lundi 30 octobre 2023. Le temps passe à une vitesse effroyable de 3600 secondes par heure, de 24 heures par journée, de 30 à 31 jours par mois – sauf si l’on traverse février – et de 365 par an – sauf si l’année en cours est bissextile -. Les minutes sont comptées et pour cette dernière Chronique du lundi d’octobre malgré et surtout pour cause de vacances en famille il me semble que je ne me ferai pas bien long dans ces lignes. Mais avant toute chose permettez-moi de vous souhaiter bienvenue ici et à l’instant même.
Je commence le billet de ce jour bien tard, il est près de 8h, heure d’hiver, et je le terminerai tôt, dans la foulée, quand la maisonnée de vacancières et de vacanciers où je me situe au moment de cette rédaction se réveillera pour partager un petit-déjeuner en famille.
Pour tout vous dire, après une semaine passée intense et tout compte fait réjouissante au cœur d’un atelier de pratique artistique contre toutes les attentes négatives telles que je l’exprimais dans la chronique de lundi dernier (comme quoi il y a tout de même tant à espérer de la jeunesse humaine !), ce matin je vous écris depuis notre doux pays Diois sur ces bords de Drôme entre Vercors et Baronnies Provençales. Ce nid d’enfance de ma chère et tendre Thérèse [+] que j’ai adopté comme si ce fameux nid m’étais destiné depuis toujours. Alors bien sûr cette fois nous n’allons pas y rester bien longtemps en villégiature. C’est un petit saut de puce de quelques jours pour nous ressourcer avant les frimas de la saison hivernale que nous devrons affronter (ou non !) de l’autre côté du Sud occitan, sur les bords de Garonne. En fait ce n’est pas tant la dépression météorologique de rigueur en hiver que l’on redoute par avance, c’est bel et bien le sombre et le noir dans une ville qui a beau être rose-orangée et flamboyante certains soirs, mais qui n’en reste pas moins une grande ville européenne, loin de toutes les lois de la nature riante, juste coincée entre brumes polluées et lumières de l’artifice.
Alors d’accord, sur les bords de la Drôme cela pourrait sembler ne pas être mieux aujourd’hui, le ciel n’est plus vraiment au bleu, il a viré au gris lourd, sombre et un peu triste, le vent a fini sa tempétueuse expression pour tourner à la pluie, et ces conditions météorologiques risquent fort de contrarier notre ballade du jour. Sauf que l’on y respire et que la moindre marche nous amène sur les flancs d’une montagne où l’homme et même la femme n’ont pas réussi totalement à altérer la somptueuse nature de leurs empreintes écocides. Il est plutôt question ici de garder une certaine communion avec cette dite nature qui nous nourrit et nous fait vivre. C’est peut-être pour cela que j’aime tant ce petit coin de paradis. Et les gens qui le peuplent s’attristent majoritairement et sincèrement de voir les saisons se modifier à vue d’œil sous l’effet de changements globaux [+] pilotés par un capitalisme extractiviste et consumériste que plus personne ne maitrise à titre individuel. Pas plus tard qu’hier nous constations que les flancs de nos chères montagnes n’avaient pas encore pris leurs couleurs mordorées et flamboyantes de l’automne alors que nous étions déjà aux portes de novembre. Ainsi est ma première expression de tristesse dans ces mots du jour, cela pourrait me suffire à clore ce billet derechef.
Ainsi aussi, vous voyez bien où je veux en venir, malgré tout ce que le monde produit de désespoir à travers une actualité dont on ne peut même plus arriver à croire quelle soit réelle, j’ai pris ma distance avec le temps des humain·e·s qui passe sous mes yeux. Je suis désespéré de voir cet enterrement en première classe de la raison partout dans le monde. Un point de non retour parait être franchi, c’est tellement triste que ça m’en rend muet plus qu’à mon tour.
Je viens de vous le dire en ouverture : je ne me ferai pas long aujourd’hui pour cause de vacances. Mais je pense plutôt que c’est pour cause d’extrême lassitude et d’inconsolable effroi à voir ce monde brûler sous l’incommensurable stupidité de l’être humain. Notre planète brûle et nous attisons ce feu à coup de bombes et de mentons martiaux, gonflant le torse de nos religions, de nos croyances et de nos nationalismes mortifères. Aujourd’hui j’avais presque envie de faire grève de Chronique du lundi car il n’y a pas de mots pour exprimer l’horreur que provoque ces massacres qui s’étalent sous nos yeux d’occidentaux et d’occidentales repu·e·s autant qu’aux abois.
Dois-je rajouter à ma rage quelques mots de chronique ? Je ne sais pas si je le pense. Je parle de moi alors que je devrais parler du monde. Je devrais fustiger ces religieux fanatiques qui déclenchent des tsunamis profitant du désespoir de leurs peuples respectifs, alors qu’il n’existe qu’un peuple de Sapiens. Aucune particularité ne justifie l’horreur des pratiques guerrières. Plus localement, puisque que je vis en France, je devrais m’insurger haut et fort contre un gouvernement d’une République qui n’a jamais réussi à décoloniser [+] sa mémoire et dont le gouvernement et tout son appareil d’état se radicalisent [+] jour après jour sous nos yeux hagards.
Depuis que Sapiens a inventé l’agriculture, depuis que nous sommes sortis du paléolithique pour entrer dans le néolithique et inventer la propriété [+], ou plutôt poser la propriété individuelle au dessus du bien commun, les dérives sous couvert de progrès ont fini par aveugler jusqu’à ce que notre seul nid disponible, n’en déplaise à tous·tes les thuriféraires de la science-fiction, finisse par être irréversiblement mis en danger de mort. Sauf que le chemin aurait pu être différent, et il pourrait l’être encore… Il suffirait peut-être d’injecter en peu d’intelligence dans ce monde… Comme par exemple d’arrêter de construire des autoroutes inutiles qui ne sont à la fin des fins construites que pour le seul profit de certain·e·s au détriment de tous·tes… Il suffirait peut-être aussi de créer des écoles de par le monde où l’on apprendrait juste que le savoir n’est pas écrit dans un seul livre et que plus on connait l’univers qui nous entoure moins on en connait, plus on a envie d’en apprendre et plus on a envie de dévorer une multitude d’œuvres de l’esprit… Il suffirait dans cette perspective de dire que l’altérité n’est pas cet enfer que l’on imagine… Il suffirait encore d’affirmer que le pouvoir n’est jamais un but en soi, ou que l’accumulation de richesse pécuniaire ne s’emporte pas dans sa tombe… Il suffirait aussi d’enseigner que le partage avec celles et ceux qui n’ont rien sont bien plus importants que les conneries de développement personnel entre achats compulsifs, pratiques égocentrées ou culte de la compétition, et non de laisser croire l’inverse à des générations déboussolées par la société de consommation de par le monde… Bref tout un tas de trucs propres à l’utopie [+] qui ne demandent qu’à passer du statut « ou-topia » à « eu-topia » !
Allez, la maisonnée s’est réveillée et le petit-déjeuner attend à travers les odeurs de l’enfance entre café chaud, tartines grillées et pluie de l’automne au coin du feu emmitouflé dans la protection d’un gros pull qui monte jusqu’aux oreilles. Rien n’est perdu et tout peut encore se faire. Il pleut et peut-être aujourd’hui vais-je finir ce petit bouquin autour de la correspondance entre Bakounine [+] et Netchaïev [+] suivi du texte intégral du « Catéchisme révolutionnaire » de ce même Sergueï Netchaïev. Un bouquin de poche acquis dans un petite librairie de livres d’occasions ici à Die lors d’une ballade estivale et qui m’attendait dans un coin de mes affaires. Je ne sais pas pourquoi je vous narre cela, l’ambiance du moment peut-être ?
Je vous laisse ainsi, sans vous avoir trop donné de pistes et de liens. Considérez cette Chronique du lundi 30 octobre 2023 comme un exercice éditorial de vacances. Je vous laisse avec une image encore une fois tirée d’une de mes vidéos du cycle « No Show », une vidéo qui interrogeait l’effondrement mais aussi les voies pour s’en échapper. Je vous l’exprimais encore pas plus tard que la semaine dernière : au fond de moi les mots que je dis ou écris ne sauront jamais être autant explicites que les images que j’arrive à produire. Ainsi est ma condition de plasticien, c’est peut-être mon utopie !
Après tous ces « peut-être », je vous souhaite une belle semaine d’automne et vous donne rendez-vous dès la semaine prochaine… Addisiatz, a diluns venent !

La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…
PhP

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