29.07.2024 – Chronique du lundi

29 juillet 2024 § Poster un commentaire

Une bonne dose de jeux olympiques pour un plein d’obscénité !

Amis et amies auditrices autant qu’auditeurs, lectrices comme lecteurs, très chères toutes et très chers tous, permettez-moi de vous dire à quel point je me réjouis de vous souhaiter la bienvenue sur les lignes de cette Chronique du lundi 29 juillet 2024. Nouvelle chronique d’été et de dilettante, farniente estival oblige.

Une chronique dont les prémices et les notes de composition se sont formées sur les bords de la Drôme ainsi que le fût la précédente et comme le seront les suivantes de l’été en attendant la rentrée. Même si aujourd’hui par l’effet d’un grand saut de puce et pour cause de boulot, je traîne mes guêtres ruisselantes de sueur dans la chaleur étouffante de la capitale occitane pour quelques heures de transit.

Celles et ceux qui suivent ces éditoriaux du temps qui passe sous mes yeux depuis un long moment, depuis quatre ans que je les rédige tous mes lundis pour les livrer dans la journée qui marque le début de la semaine, celles et ceux qui me lisent, car ces Chroniques du lundi sont bien loin d’avoir eu un destin radiophonique régulier, celles et ceux qui m’accompagnent tous les lundis donc savent à quel point je suis attaché à ce territoire Diois qui dès le passage des Trois Becs en remontant cette rivière aux couleurs d’émeraude qu’est la Drôme prend des allures de havre d’une paix dont le monde entier aurait bien besoin.

Je viens ici été comme hiver, printemps comme automne, pour y trouver une sérénité et un plaisir de vivre que je ne peux connaître ailleurs. Non seulement parce que c’est le pays d’enfance et de jeunesse de cette formidable photographe qu’est ma chère et tendre Thérèse Pitte [+], la personne avec qui je partage ma vie à travers tant de bonheur depuis des années, mais bien aussi parce que j’ai appris à apprivoiser ce merveilleux territoire dans la jungle de mes émotions contemplatives. Après avoir, comme on dit, roulé ma bosse sur de nombreux continents, après aussi m’être encrouté plus que de raison dans cette ville qui n’est pas si rose que cela, quand je suis dans cette majestueuse contrée alpine que l’on sent frontalière autant qu’ouverte, j’ai l’impression d’avoir atteint la pleine sensation de la dernière étape d’un voyage imaginaire.

Mais en fait, rien de plus normal que ces connexions permanentes dans ma vie depuis des années entre Drôme et Garonne, entre pieds des Pyrénées, contreforts du Massif-Central parsemés de dialectes d’Oc et vallées des Alpes aux accents provençaux. J’avais appris il y a un temps à travers la bouche de quelques érudit·es historien·nes du cru qu’au tournant du second millénaire de l’ère chrétienne dans ce Sud où l’occitan rayonnait vers toute l’Europe de ses accents chantants affirmant son statut de langue majeure de la littérature européenne naissante, le territoire du comté de Toulouse s’étendait jusqu’aux sources de la Drôme, un temps où la France n’existait pas, malgré ce roman national moisi que l’on nous sert depuis des lustres. Et ainsi j’ai retenu avec bonheur que Beatritz de Dia [+], Béatrice de Die, une des plus célèbres troubadours, ou plutôt trobairitz du 12e siècle, était donc bien, à travers le temps, une de mes compatriotes de culture.

Je vous narre mon amour pour ce petit coin de paradis entre Baronnies Provençales et Vercors, vous qui aujourd’hui derrière votre poste souffrez dans la chaleur d’une canicule qui surprend toutes celles et tous ceux qui se baladent à l’ombre des platanes entre Garonne et Canal du Midi. Depuis que je suis mouflet l’été a toujours été redoutable dans la Cité Mondine et ses alentours.
Bon, Toulouse n’est fort heureusement pas le centre du monde et peut-être m’écoutez-vous ou me lisez-vous sous d’autres cieux !
Alors dans cet exercice éditorial du jour, pour en finir avec ces exégèses, à Die il n’y a pas que cette magnifique nature cette lumière inégalable qui baigne les falaises du Glandasse, le Cirque d’Archiane ou les hauteurs de Solaure, même si toutes ces touches visuelles composent un paradis pour le dessinateur et peintre qui constituent au fond de moi une partie du plasticien que je suis. Car malgré tous les bémols à y apposer, les citoyen·nes qui peuplent cette vallée de la Drôme dans leur grande majorité sont exceptionnellement accueillant·es. On peut trouver ici un lien fort entre la générosité de la nature et la nature généreuse des femmes et des hommes qui la peuplent. Chose bien peu commune dans l’Europe moderne, repliée de partout sur ses égoïsmes d’enfants gâtés.

Ici sur les bords de Drôme, dans l’herbe et le vent, j’écris, je note et je dessine au son des cigales, des grillons, des oiseaux moqueurs et de l’eau qui coule bouillonnante en dévalant goulûment les pentes des roches calcaires dures, ces calcaires dits Urgoniens ou autres Thitoniques. J’y savoure chaque instant de bonheur contemplatif et inspirant. J’y annote mes carnets en couleurs comme en noir, en feutre, en pointe bic, au pinceau ou encore au graphite.

Hélas, je sais que certainement dans ces versants Sud les yeux tournés vers une Méditerranée pas si lointaine, dans peu d’années l’eau viendra certainement à manquer. Je sais aussi que je suis là à me perdre en pensées bucoliques pendant que mes congénères s’entretuent dans divers point du globe pour faire marcher les usines de l’industrie de l’armement à plein tube, foutant en l’air notre monde non seulement dans des combats mortifères faisant honte à l’honneur d’être humain·e, l’air devient irrespirable, l’eau devient imbuvable et la terre sombre dans une chaleur insoutenable, pour le plus grand bonheur d’un capital avide de nos morts.

Je rêve dans le frais bonheur à l’ombre des frênes, des hêtres, des chênes pubescents et autres pins sylvestres, pendant que mes congénères se perdent en considérations polémiques totalement stériles autour de la cérémonie d’ouverture d’une compétition d’un autre âge qui n’a aucun autre objet que d’entretenir l’industrie du divertissement aussi lourdement délétère que celle de l’armement. Tout aussi louable que pouvait l’être ce spectacle sensé nous réconcilier avec l’esprit d’ouverture inclusive et universelle d’un pays qui n’est que rêvé, surtout depuis que nous vivons sous l’infernal règne du fameux « en même temps », cela reste un spectacle, un faux semblant allégorique comme un château de carte. Car en effet et pour paraphraser un célèbre jeune écrivain et médecin toulousain parfois chroniqueur sur une radio du service public, je cite : « en voyant cette cérémonie d’ouverture je voudrais tant vivre dans le pays qui l’a conçue ! ».

Tout de même, la réjouissance de la chose est de savoir toute la fachosphère en PLS. Sinon pour exprimer ce que je pense de ce spectacle suivi par plus d’un milliard de personnes de par le monde, il me suffit de convoquer la « Société du spectacle » [+] l’œuvre de Guy Debord [+], comme beaucoup l’on fait. Et d’extraire cette autre citation : « Le spectacle est le capital à un tel degré d’accumulation qu’il devient image ».
Le spectacle, selon Debord, n’est pas une collection d’images organisées pour créer une œuvre en soi, le spectacle est un rapport social entre les personnes, médiatisé par des images. Dans cet ouvrage qui a paru fin 1967, il décrit une société où l’interaction humaine réelle est remplacée par sa représentation. Nous y sommes dans toutes les strates de notre monde actuel ou le vide est comblé par la vacuité. Pour l’anecdote et pour l’exemple, ne pas savoir faire la différence entre une représentation de la Cène et celle d’un banquet de bacchanales, démontre cette inculture crasse de la société du spectacle et de la consommation. Et là je me pose une des multiples interrogations qui remontent dans ma tête d’homme proche des choses de l’art, en France pourquoi n’enseigne-t-on pas l’histoire de l’art au lycée ?

Je n’ai donc rien à ajouter ou à dire sur un spectacle aussi réussi qu’il fut. La seule chose qu’il y aurait à dire est à propos de ces Jeux Olympiques, de cet étalage de nationalisme et de compétition imbéciles qui ne parlent qu’aux instincts les plus crétins de Sapiens, la seule chose qu’il y aurait à dire est tout simplement que cette messe de l’hypocrisie n’aurait jamais dû avoir lieu. Je vous renvoie une nouvelle fois sur ce que disait Albert Jacquard [+] à propos du concept même de compétition. Et puis n’oublions pas les accointances certaines de Pierre de Coubertin avec les régimes nazis [+].
En d’autres termes soyons claires autant que clairs, les JO ne devraient plus jamais avoir le droit d’exister dans un monde qui agonise. Hélas, alors que tous nos glaciers disparaissent au sommets de nos montagnes, ce pays gouverné par la stupidité, ce pays dans lequel je vis va postuler pour l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver de 2030. Rassurons-nous de ne point être les plus décérébrés dans ce monde, la stupidité étant effectivement sans limite, les Jeux d’hiver Asiatiques se dérouleront en plein désert de l’Arabie Saoudite, un désert bien connu pour ses neiges éternelles !
Ce pain et ces jeux des réminiscences de l’empire dans une société sensée instruire ses citoyen·nes, nous plongent à chacune de ses éditions dans une grave obscénité qui va de l’expulsion d’étudiant·es de leurs logements au mensonge à propos de la qualité de l’eau d’un fleuve, en passant par la mise en cage d’une ville. La dystopie n’est pas loin et je préfère mon utopie bucolique des bords de Drôme.

Enfin, et pour terminer ce billet du jour, je reste sur le bord de cette Drôme, je vais vous parler d’art à travers cette annonce pour vous dire que le dernier événement de DIEresidenz [+] avant une bonne année se déroulera ce vendredi 2 août pour une performance et une exposition des peintures de l’artiste berlinoise Paulette Penje [+], événement intitulé fort bien à propos « Pas d’espace sans heurt ». Dernier événement avant un an car Conny Becker [+], l’instigatrice et directrice artistique de cet excellent programme d’échange entre le Diois et Berlin part vaquer à des occupations curatoriales de l’autre côté du Rhin pour un temps. On se rassure elle sera de retour avant l’été prochain. Cette dernière exposition sera visible jusqu’au 5 août en prenant rendez-vous. Vous trouverez toutes les infos sur le site web dieresidenz.net.

Sur ces considérations je vous quitte pour aujourd’hui et comme à l’habitude si vous êtes sur mon site web je vous laisse avec une image de mon cru, une image tirée de mes processus contemplatifs de notes dessinées. Là il s’agit d’une photo de pages d’un carnet de bord de Drôme et de Meyrosse. La Meyrosse étant un affluant de la Drôme que j’aime remonter carnet et stylo bille à la main. Pour celles et ceux qui m’écoutent sur les ondes de la Radio FMR [+], n’hésitez pas à vous rendre sur mon site philippepitet.com pour lire ce que vous venez d’écouter et voir cette image. Je vous souhaite une belle semaine ensoleillée et vous donne rendez-vous dès lundi prochain. Addisiatz amigas e amics !

Photo d'un carnet de croquis de l'artuste plasticien Philippe Pitet - Croquis des bords de la Drôme - 2024
Extrait d’un carnet de notes en croquis des bords de la Meyrosse, et de la Drôme Die (Drôme) – 2024

Audio diffusé la semaine du 29 juillet 2024 sur les ondes de Radio FMR -Toulouse :


La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…

PhP

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