03.11.2025 – Chronique du lundi

3 novembre 2025 § Poster un commentaire

En Attente

Chères et chers ami·es du web comme des ondes, ou même d’ailleurs, bienvenue dans mon premier éditorial de novembre 2025, du temps qui passe sous mes yeux. Plus exactement, amies auditrices et amis auditeurs de la Radio FMR [+] de Toulouse ou lectrice et lecteurs de mon blog sur mon site web philippepitet.com, bienvenue dans ma Chronique du lundi 3 novembre 2025.

Le temps file à une vitesse incroyable, ce que l’on croyait être hier était il y a des lustres et on a parfois du mal à suivre ce qu’étale la vie devant nos yeux, nos pensées, nos sentiments et notre cerveau de Sapiens. Pourtant j’aime tant les états contemplatifs où le temps semble suspendu. Comme une bulle en dehors du temps. Mais cet écoulement du temps reste incompressible, même si tout cela reste du domaine de notre perception [+]. La semaine passée avec Thérèse Pitte [+] mon adorable compagne et géniale photographe qui cadre, recadre et restitue l’infiniment majestueux du ciel, de la montagne et de ce qui ce qui peuple ce cadre, nous étions parti·es en famille dans les Pyrénées, observer cette frontière si ténue entre le monde des hommes et celui d’une nature qui se veut sauvage. Comme une observation contemplative des beautés de la Terre vu à travers l’ivresse de l’altitude. Ces quelques jours, le temps paraissait suspendu à ces observations, à l’objectif de son appareil photographique, ou à la portée de mes stylos à billes qui naviguent en couleur dans mes carnets de dessins.

Hélas nous sommes redescendu·es et ce matin, à l’heure où je rédige ces mots, il est bien plus tard qu’à mon habitude, Louison la petite chatte du foyer miaule et joue comme une folle avec des objets qui lui passent sous les pattes. Mon souvenir me ramène vers ces autres animaux familiers qui ont accompagné ma vie. Un immense soupir va vers cet autre adorable féline qui vient de rejoindre les étoiles des chats au dessus de mes vieilles collines tarnaises, et pour laquelle j’ai fait le portier pendant des mois il y a des années. Ainsi donc, le temps file à toute berzingue.

La mort, il y a quelques jours, du génial Peter Watkins [+], me ramène à cette imparable observation. Je vous ai souvent narré à quel point était indispensable cet artiste cinéaste britannique, penseur engagé face à ce que Sapiens peut faire des images et des narrations de l’image qu’il crées. Ses films sont des monuments du cinéma tellement sous-estimés dans ce monde de la standardisation hollywoodienne des images. La fameuse horloge universelle et la monoforme qu’il avait théorisées dans son ouvrage incontournable : « Media crisis » [+] que tout le monde devrait lire sans hésiter, et qui devrait être le support de beaucoup d’ateliers d’éducation aux médias.
Et puis ses partis-pris et angles d’approches d’une fiction documentaire assumée dans ses films sont autant de points de vues salutaires sur le monde que de points de réflexions sur nos propres turpitudes, mais évidemment et surtout sur la fabrique de l’opinion. Si vous ne connaissez pas son œuvre, à défaut de lire ses livres n’hésitez pas à visionner au moins trois de ses films cultes et sûrement les plus connus que sont : « War game » (en français : »La bombe »), « La commune » et bien sûr « Punishment Park ». Mais tous ses films sont des pépites. Vous pourrez en trouver la majorité sur là géniale plateforme de VOD sur le web : « Cinemutins.org » [+] mise en œuvre par la coopérative « Les mutins de la Pangée » [+]. Dont je vous parle aussi très régulièrement dans mes billets hebdomadaires.

Je reste dans le domaine des médias et de leur critique pour vous entretenir d’une chose très grave à propos de la concentration de ces derniers dans les mains de la pire engeance du capitalisme consumériste, extractiviste et nationaliste. Et je vous parle ici du point de vue de coprésident de ma très chère Radio FMR [+]. En effet, pour la deuxième année consécutive sous prétexte d’économie budgétaire nous avons vu une attaque en règle contre le FSER [+], acronyme du Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique. Ce fonds est ce qui finance la majeure partie des budgets des radios associatives comme FMR. Il y en a pas loin de 750 en France qui doivent leur existence au FSER. Ce fonds a été conquis de haute lutte dans les années 80, au début il était abondé par une taxe sur les messages publicitaires des médias audiovisuels. Puis malheureusement à l’aube des années 2000 il a été directement mis dans le giron du budget du Ministère de la Culture. Ce qui a fini par le laisser dans les mains de l’arbitraire budgétaire de l’état. Il y a eu de nombreuses attaques dans le temps. Mais depuis deux ans, à l’occasion du vote du Projet de Loi de Finance de l’année suivante, l’état macroniste et tous ses alliés [+] de droite essaye de nous enfouir dans une rigueur budgétaire, afin de ne pas taxer les plus riche et de faire les poches à tout ce dont notre République à besoin pour vivre.
Les secteurs associatif et coopératif, qui sont bien loin du centre de la doxa d’une économie libérale défendue par toutes les droites de celle de gauche à son extrême pour le profit du bloc bourgeois, ces secteurs de la solidarité et des communs sont évidemment en ligne de mire [+] de ces coupes budgétaires. Nos radios sont évidemment aussi au centre de cette cible. Alors que nous avons la mission de communication sociale de proximité qui nous est clairement donnée par la loi, et dont nous nous acquittons avec difficulté vu les budgets dont nous disposons depuis toujours. Les frais techniques, les frais de diffusion, l’énergie, les locaux, les droits de diffusions, les maigres salaires, et j’en passe, tout a un énorme coût. Pour ordre d‘idée, le bénéfice des revenus publicitaires d’une station de radio commerciale nationale rapporte en moyenne plus de 1500 fois la totalité de notre budget annuel et le budget de fonctionnement des chaînes de la radio publique française est environ 125000 fois plus important que nos maigres ressources.

Des ressources pour Radio FMR [+] qui proviennent avant tout du volontariat de celles et ceux qui font notre radio, mais aussi en argent sonnant et trébuchant de quelques faibles subventions du département et de la région Occitanie, moins de 8000 € en tout, mais surtout de ce FSER à hauteur de 55000 € pour un budget total de pas tout à fait 73000 €. Tout ceci ne nous permet pas de pérenniser nos équipements dont les coûts augmentent terriblement et surtout nous sommes dans l’impossibilité d’assurer des emplois correctement rémunérés, faisant appel, malgré notre volonté, à des emplois aidés et précaires. On voit que si pour beaucoup de radio associative l’apport du FSER représente 40 % de leurs budgets, pour FMR il représente 75 %. Il nous est indispensable dans un écosystème très faible pour un volume de taf énorme dans une mission importante qui promeut la parole citoyenne, relaye les initiatives associatives et culturelles, valorise les expressions artistiques émergentes et maintient un lien social fort sur les territoires. Sans vouloir nous passer la brosse à reluire nous sommes un outil vital de pluralisme démocratique, de cohésion territoriale et de diversité culturelle.

Désolé de vous assommer de chiffres, une fois n’est pas coutume, d’ailleurs j’y reviendrai bientôt en ce qui concerne les ressources des artistes-auteurs. Ça ne fait pas de mal d’expliquer les choses aux personnes qui croient que tout est facile. Et pour compléter cet ordre d’idée budgétaire, le FSER [+] est doté de 35 millions d’Euros, répartis donc entre les environ 750 radios associatives françaises. L’an dernier le gouvernement pensait le réduire à proche de zéro, une forte mobilisation l’a maintenu. Aujourd’hui le Projet de Loi des Finances 2026 propose de le réduire de 44 % [+] ce qui l’amènerait à 19 millions d’Euros. Pour FMR ce serait mécaniquement plus de 34000 € de perte brutale. C’est à dire une mise des clés sous la porte assurée après plus de 45 ans d’existence. Nous nous battons comme des diablesses et des diables à travers nos fédérations nationales et en particulier pour nous avec la Ferarock [+]. Nous avons gagné une première bataille en commission budgétaire à l’Assemblée Nationale la semaine dernière, grâce à une nouvelle forte mobilisation des député·es de gauche, et particulièrement de LFI et du PCF. Mais nous savons que, pour des raisons évidentes idéologiques, mais aussi économiques, nous sommes sous le viseur de rageuses autant que des rageux de la droite dure et de l’extrême droite. La bataille est loin d’être gagnée !

D’ailleurs si vous voulez aider Radio FMR [+] et d’autres, n’hésitez pas à interpeller vos élu·s de tous échelons et surtout vos député·es et vos sénateurs ou sénatrices. Et aussi n’hésitez pas à nous aider avec des dons qui seront les bienvenus il vous suffit d’aller sur le lien : radio-fmr.net/don [+], et de saisir le montant du don que vous voudrez bien nous accorder. Nous vous en remercierons vivement.

Voilà sur ce je vais vous laisser, je n’aurai pas parlé des turpitudes du monde qui m’entoure, j’y reviendrai dès la semaine prochaine. Mais décrocher ça fait du bien parfois. Si vous lisez ce texte sur le blog de mon site web philippepitet.com, pour boucler avec le décès de Peter Watkins, je vous laisse avec la photo d’une performance de Carmen Blaix Perfoming Art, groupe performatif mené par la super artiste Carmen Blaix [+] au mitan des années 2000, et dans lequel je tentais de créer un univers vidéographique [+] en collaboration avec ce qui était un collectif à l’époque, autour du travail de Watkins. Pour celles et ceux qui m’écoutent sur les ondes et les électrons de la Radio FMR [+], vous entendez en fond un autre morceau improvisé dans une performance radiophonique en 2004 issu de mes pérégrinations chinoises. Bonne écoute et bonne lecture. Je vous souhaite une très bonne semaine ensoleillée d’automne. A diluns venent, addisiatz amigas e amics.