29.12.2025 – Chronique du lundi
29 décembre 2025 § Poster un commentaire
Un dernier et bref hommage…
Amies et amis que vous soyez auditrices ou lectrices, que vous soyez lecteurs autant qu’auditeurs, que vous preniez connaissance de ces mots sur mon site web philippepitet.com ou que vous m’écoutiez sur l’un des multiples canaux de diffusions de ma très chère Radio FMR [+] de Toulouse, je vous souhaite une appuyée bienvenue dans cette Chronique du lundi 29 décembre 2025. Tout dernier billet pour cette année qui vient de clore le premier quart d’un 21e siècle, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas de tout repos.
Cette semaine je vous écris et vous parle, puisque mon exercice éditorial hebdomadaire sur le temps qui passe sous mes yeux, se lit autant qu’il s’écoute, cette semaine donc je vous entretiens du monde depuis mes montagnes dioises, à l’ombre du familier Glandasse et sous la douce protection de Justin, ce pic surmonté de sa croix et que j’ai tant aimé croquer sur des petits papiers collants avec un stylo bille, pendant des semaines et des mois à chacun de mes réveils, il y a de cela quelques années maintenant.
En ces tout derniers jours de l’année et avant d’en commencer une nouvelle, et même d’entamer un nouveau quart de siècle ainsi que je vous le faisais remarquer juste avant, je me donne un peu le droit de faire une trêve dans mes commentaires sur les turpitudes de mes congénères à travers la planète Terre, voire dans l’espace. Malgré une infâme caricature raciste parue dans un journal qui n’a plus de satirique que le nom, et sur laquelle j’aurais eu toute la légitimité de lancer mon courroux non feint. Tout comme il parait qu’une actrice iconique de cinéma est morte, vous m’en excuserez (ou non !), mais je n’en ferai pas un flan.
Par-contre c’est avec tristesse que j’ai appris la semaine dernière, le jour de Noël, la disparition du cinéaste Amos Poe [+]. Ce formidable cinéaste, père ou pape du New Cinema ou No Wave Cinema [+] selon les uns autant que les unes, était né en 1949 à Tel-Aviv. Il est mort à New-York où il a vécu une vie d’artiste underground. Totalement autodidacte en cinéma, la scène punk rock new-yorkaise qui se développe dès 1974 avant celle de Londres, est pour lui un révélateur. À l’image des groupes qui émergent dans cette effervescence, à travers l’énergie du DIY – do it yourself -, Amos Poe réalise des films sans budgets. Il est auteur, réalisateur et producteur de tous ses films depuis son mythique moyen métrage « Blank Generation » [+]. La génération du vide, film homonyme du célèbre morceau de Richard Hell [+], qui lui même prend racine dans des écrits de la bande à Kerouac. Film OVNI donc à partir duquel Poe capte les errances de sa génération. Une génération dont il affirma qu’elle était contrainte de « tout réinventer si elle ne veut pas disparaître », pour ainsi dire ma génération !
Amos Poe s’est enraciné dans ce New-York universel et y a évolué du punk à la no-wave, suivant ainsi le mouvement underground de la grosse pomme, de 1975 à 1983. Il n’a jamais séparé sa démarche artistique de son engagement politique. Il a toujours refusé de se plier aux exigences économiques de la monoforme hollywoodienne. Il détourne intelligemment la contrainte budgétaire comme arme politique et se fait militant du « film de fauché pour un public de fauchés ». Il inscrit son œuvre dans le courant artistique de l’art de la récupération qui puise dans le vintage pour donner naissance à une œuvre originale. À travers ces esthétiques visuelles expérimentales, dans lesquelles il colle des images sur une bande son, il est donc un des détonateurs de ce fameux mouvement du New Cinema né à New York en 1976, qui s’inspire de la série B, de l’avant-garde, des films noirs, de l’énergie du Rock’n’Roll, ou encore de la Nouvelle Vague française pour créer une nouvelle forme artistique et rassemblant les acteurs de la scène de la musique et des arts visuels de l’époque comme Jim Jarmusch [+] et John Lurie [+]. De la de la Nouvelle Vague, il puise sa narration extrêmement saccadée, ses cadrages bizarres ou faussement téméraire, ses raccords aléatoires, ses changements de plans brusques, sa désynchronisation systémique du son et de l’image. Le New-York de la perdition est l’axe principal sur lequel il colle images et bande son.
Ce weekend passé sous le magnifique soleil d’hiver qui illumine nos montagnes au-dessus de Die, au coin du feu j’ai regardé une nouvelle fois avec délectation le premier film de ce génial cinéaste, « Blank Génération » essayant de reconnaître, sans trop de difficulté, les groupes ou les musicien·nes qui le parsèment comme autant d’étoiles parsèment le ciel de cette nuit glaciale et sans nuage dans laquelle je rédige ces mots. C’est aussi beau et poignant qu’une élégie.
Dans le salon des formidables ami·es qui nous hébergent lors de ce séjour festif dans le diois, le majestueux coffret jaune, rétrospectif des œuvres des géniaux Bazooka [+] trône en maître. En rentrant hier soir, mon regard s’est posé dessus avec la même tendresse et reconnaissance que j’ai eu en visionnant les images d’Amos Poe. Je n’aurais jamais embrassé une carrière artistique, comme on dit, sans avoir connu le boulot de ces merveilleuses et merveilleux artistes qui, à travers l’énergie du Rock’N’Roll et de l’Underground, ont peuplé mon Olympe personnelle. Et je me dis que c’est trop chouette !
Voilà, sur ces hommages dansants dans les airs d’une joyeuse nostalgie malgré la disparition de figures tutélaires, je n’ai pas trop d’autre chose à dire aujourd’hui. Je vais partir dans quelques minutes pour une ballade vers le col de Menée avec ma chérie Thérèse Pitte [+], géniale enfant du pays. Il me faut enregistrer et monter ces mots juste avant pour leur traditionnelle diffusion radiophonique, même à distance. Je clos donc cette très courte Chronique du lundi 29 décembre 2025, dernière de ce 1er quart d’un siècle qui se clos lui aussi dans des circonvolutions pas très réjouissantes.
Pour les auditrices et auditeurs de la Radio FMR [+] de Toulouse qui m’écoutez à travers les ondes hertziennes analogiques comme numériques de la FM ou bien grâce aux technologies de l’Internet Protocol, vous entendez en fond comme à l’habitude des extraits de son que j’ai créé il y a bien longtemps pour des installations vidéographiques. Pour celles et ceux qui me lisez sur mon site web philippepitet.com je vous laisse avec une image de ces mêmes boulots vidéos. Bref quelque chose qui de près ou de loin ont à voir avec les influences qui ont forgées mon labeur. Je vous souhaite une belle toute fin d’année et vous donne rendez-vous l’année prochaine. A diluns venent, addisiatz amigas e amics.
Audio diffusé la semaine du 29 décembre 2025 sur les ondes de Radio FMR -Toulouse :
La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…
PhP


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