09.09.2024 – Chronique du lundi

9 septembre 2024 § 1 commentaire

La nuée et l’orage…

Au dehors l’obscurité est opaque, lourde elle sent le changement de saison. Pas un bruit ne transperce le calme de cette fin de nuit. Seul le souffle inquiet de ma chère et tendre Thérèse [+] à mes côtés trouble légèrement ce silence, manifeste à coup sûr d’un rêve agité. Je pense à ses merveilleuses photos de volutes nuageuses, me voilà habillé d’une cotonneuse douceur et son visage endormi illumine la pénombre. La ville ne bruisse pas encore de ses trépidantes ardeurs du matin. Louison notre petite chatte m’a réveillé, elle a faim ! C’est trop tôt. Il est à peine 4h15 du matin et je commence à composer les lignes de cette Chronique du lundi 9 septembre 2024. Je vous y souhaite la bienvenue tout emmitouflé du cocon d’un doux réveil, même si je ne sais ni l’heure ni même le jour où vous m’écouterez ou me lirez, chères et chers ami·es qui suivez mes billets hebdomadaires. Je commence tôt aujourd’hui à transposer mes pensées en phrases un minimum construites. Je crois que je vais mettre du temps à livrer ma chronique du jour.

Surtout quand je sens ce silence même relatif d’un petit matin calme qui m’enveloppe. Un silence qui contraste avec les actualités du monde. Je le sais, on va encore m’accuser de tristesse et de noirceur, mais sachez que mon optimisme reste intact, chères et chers auditrices, auditeurs, lecteurs, lectrices ou tout·e autre que vous m’écoutiez sur le 89.1Mhz de la bande FM à Toulouse, sur la Radio Numérique Terrestre Canal 7c dans cette même zone du Sud de la France, ou alors partout sur la planète en streaming voire en podcast sur le www.radio-fmr.net [+], ou bien encore et toujours où que vous soyez et quand cela vous chante si vous me lisez et m’entendez sur le blog de mon site web philippepitet.com. Sachez juste que je ne pose qu’un regard sur le temps qui passe sous mes yeux et tous mes sens. Ce n’est pas moi qui fait le monde, c’est lui qui s’invite dans ces présents mots. Et il n’est malheureusement pas toujours très joli joli !

Pas joli, joli, surtout en premier et en haut lieu depuis quelque temps. Ainsi nous voyons arriver le pire à la tête de la patrie dite des Droits de l’Homme. Le choix y est fait d’un homme qui est le parangon d’un personnel politique réactionnaire venu tout droit d’un autre âge pour diriger le gouvernement de la République Française. Le monde s’attendait à une gouvernance à gauche, c’est l’extrême-droite qui se trouve aux commandes, par la grâce de ce que la constitution de cette Ve République monarchique permet à un président en roue libre. Un président qui s’accroche car il ne veut pas voir ses soit-disant réformes disparaitre, en fait contre-réformes au service de la concentration du capital. À côté de cela de nouveaux éléments de langages sont mis en place par la macronie et tous les médias du bloc bourgeois pour nous expliquer que c’est dû à l’intransigeance de cette extrême-gauche qui étend son emprise malsaine et qui n’a voulu faire aucune concession, petite diversion afin de continuer à pilonner la gauche, quoi qu’il en coûte pour nos libertés. Il y a même des idiot·es utiles de la gauche de droite qui arrivent à nous expliquer que sans cette intransigeance le dernier 1er ministre du dernier président socialiste aurait pu accéder à la tête d’un nouveau gouvernement. Cette fable n’est évident pas soutenable et il n’y a que les imbéciles pour la croire et la colporter désespérément. La seule ligne que le bloc bourgeois et toutes ses forces ne voulait pas dépasser était bien celle d’un programme du NFP qui pourtant n’avait rien de révolutionnaire, juste un smic à 1600 €, l’abrogation des réformes totalement injustes de la retraite et du chômage, et pour plus tard la mise en place d’une véritable politique de bifurcation écologique ainsi que le passage à une VIe République.

Évidemment d’autres diversions vont revenir à la charge dans nos gentils médias de la conservation, y compris quand il s’agit de la référence. Il y a fort à parier que lors du prochain vote d’un budget inique, avec l’aval de toute la droite en cœur des macronistes aux lepenistes, dans la continuité des précédents, un budget qui va encore tondre plus au sang les plus démuni·es, nous aurons droit à la litanie des méchantes pastèques : « vertes dehors et rouge dedans », irresponsables qui hystérisent le débat public… Un débat qui pourtant s’apaise tellement avec l’extrême-droite ! Et que même c’est parce que tous et toutes ces représentant·es du lumpenprolétariat sales et hirsutes ne sont qu’un ramassis d’antisémites. D’ailleurs sur ce sujet de l’antisémitisme soit-disant de gauche, je vous renvoie sur le site web d’Acrimed où vous trouverez un super article et entretien de Thierry Labica [+], maître de conférences au département d’études anglophones de l’université Paris-Ouest Nanterre, à propos de cette fabrique de l’antisémitisme de gauche, une création délétère des médias dominants et grands publics ainsi que de la gauche de droite, à lire sous le titre : « Du Labour de Corbyn à LFI de Mélenchon, les médias contre la gauche » [+].

Et pour finir d’illustrer cette sombre actualité politique dans cette petite partie du monde qu’est la France, je vais citer le sociologue Christian Laval [+] : « La démocratie ne consiste pas pour les néolibéraux à respecter le résultat du vote mais à défendre par-dessus tout les politiques favorables aux intérêts des classes dominantes dont Macron est le mandataire. C’est un peu gênant pour ceux qui croient encore à la démocratie libérale parlementaire, au suffrage universel ou à la souveraineté du peuple.
Macron a obtenu la fédération des droites : le macronisme, les républicains, l’extrême-droite. La nomination de Barnier lui permet de préserver les acquis du macronisme, la réforme des retraites, la réforme de l’assurance-chômage ou encore la politique de l’offre. Pour que rien ne change vraiment dans la redistribution des richesses, il faut l’union des 3 droites : droite du centre, droite de droite et extrême-droite. C’est indispensable. »

Le problème est donc que ce libéralisme bourgeois nous a plongé dans une guerre culturelle depuis des décennies, une guerre culturelle qui nous pilonne d’une idéologie aussi délétère que dramatique. Ce fameux « no alternative » Thatcherien, en tête d’offensive de cette croisade a fini par inverser toute valeur pour nous mener à la situation décrite par Christian Laval. Mais voilà nous sommes obligés de combattre pied à pied ces idées mortifère pour les individu·es et pour l’espèce. Pas seulement notre espèce, mais pour tout le vivant qui peuple la seule planète à notre disposition qu’est la Terre.
Au risque de me faire traiter encore une fois de sale « wokiste-islamogauchiste » je vais citer le jeune philosophe américain Olúfẹ́mi O. Táíwò [+], qui est loin d’être un guignol comme certains philosophes français de plateau, ce professeur à l’université de Georgetown disait il y a peu : « On ne devrait pas abandonner les guerres culturelles mais pas non plus mordre à l’appât. À la place, on devrait construire une culture politique autour d’objectifs communs qui s’attaquent aux problèmes concrets. Une politique organisée autour de ce qu’on veut construire pour nous et nos enfants, plutôt qu’autour de ceux qu’on déteste. »

Voilà qui n’est ni sombre, ni désespéré, juste des constats et des combats auxquels j’adhère et que la raison m’impose de mener si je veux me regarder dans la glace de l’histoire humaine. Je ne suis pas le seul. Certain·es sont assez obscènes et égoïste au point de s’en fiche, je laisse cela à toutes et tous les tenant·es du bloc bourgeois ainsi que leurs thuriféraires zélé·es, ou même à celles et ceux qui aiment garder la tête dans le sol face à l’adversité. Comme disait Max Rudolf Frisch [+], tant que j’y suis en citation aujourd’hui : « Ce n’est pas le bruit des bottes que nous devons craindre, mais bien le silence de pantoufles ! ».

Et fort à propos pour l’exemple, dans ces imaginaires positifs, je vois fleurir de nouvelles actions pas loin d’ici, pas loin de cette capitale occitane où je demeure en ce moment. Des actions alternatives et des discours qui font petit à petit changer l’opinion d’une masse qui avait tout pour laisser passer l’ignominie des actions prédatrices sans rien dire. Ainsi depuis des mois malgré un matraquage insensé des intérêts du capital soutenu par une bonne majorité des élu·es du coin les entrepreneurs de la fameuse A69 n’ont plus le monopole de la parole. Ce chantier qui paraissait essentiel pour beaucoup de gens dans le Sud du Tarn a petit à petit montré ses dimensions écocides et antisociales. Alors, bien sûr il y a les ZAD qui permettent de faire éclater au grand jour la violence d’un pouvoir affairiste et du capital délétère. Mais aussi les opposant·es à la construction de l’autoroute, malgré un lourd tribu moral, psychologique et financier, ont pu mettre en place toute une panoplie d’actions en communication et en justice pour bloquer le chantier. Bien plus encore que cela et face à l’imbécilité, ils ont aussi su proposer d’autres solutions de mobilités en accord avec les enjeux écologiques et sociaux locaux. Il me semble que c’est bien cela un objectif commun qui s’attaque à des problèmes concrets. Pour en savoir plus sur ces solution je vous renvoie vers l’article paru il y a déjà un an sur le média indépendant Reporterre, intitulé : « Véloroute, arbres et agriculture… Le projet alternatif des opposants à l’A69 » [+].

Alors oui, des fois on n’a pas envie de se retrouver les pieds dans les pantoufles, c’est ainsi qu’en compagnie de centaine de milliers d’autres citoyennes et citoyens bien motivé·es, nous avons manifesté ce samedi passé 7 septembre 2024 notre mécontentement dans la rue partout en France. Pour ma part, c’était à Toulouse et c’était assez cocasse. Avant de vous quitter je vais me permettre de vous narrer cette petite anecdote qui a le bonheur de brosser mon poil dans le bon sens.

Une amie plasticienne, Christelle Richard-Dauphinot [+], qui malheureusement ne peut se déplacer qu’en fauteuil roulant, m’avait demandé de l’accompagner manifester. Nous sommes arrivé·es assez tôt au point de départ de la manifestation, après nous être frayé un passage à travers une espèce de foire des commerces de l’hyper centre toulousain. Un événement commercial comme l’affectionne particulièrement les édiles municipaux locaux bien dans les bottes du capitalisme consumériste étalant sa pornographie mercantile malaisante. Au point de rencontre du départ de la manifestation, dûment autorisée il faut le signaler, à notre arrivée il n’y avaient que trois ou quatre personnes qui erraient à la recherche d’autres congénères plus concernés par la justice sociale et l’écologie que par l’ultime iPhone dernier cri ou par des fringues déjà bien trop surnuméraires dans nos gardes robes. Puis rapidement étant à la sortie d’une grosse station de métro du centre-ville, le monde commençait à arriver. Comme Christelle et moi (qui « pilotait » son fauteuil), nous nous étions tanqué·es là, avant le gros de la troupe, nous étions directement à travers les jeunes organisatrices et organisateurs de la manif, les élu·es qui y participaient, les politiques et la presse.

C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés coincé·es en avant-poste de cortège, fièrement devant la banderole de tête. J’élude tous les enchaînements des circonstances qui nous ont vu atterrir à défiler en face à face avec les forces de l’ordre tout au long de la manifestation. Sans me gonfler, ni d’égo, ni d’orgueil, ni même d’arrogance, ce curieux aréopage des deux artistes que nous étions donnant le pas à la marche, de l’intérieur, me paraissait beau. L’un poussant énergiquement un fauteuil dans lequel l’autre arborait un bout de couverture de survie à la pointe d’une cane brandie dans les airs, repoussant des hommes en uniformes qui eux marchaient à reculons, j’y ai vu la composition d’un symbole allégorique. La semaine dernière je vous parlais succinctement de « La Liberté guidant le Peuple » d’Eugène Delacroix, et dans cette perspective c’est assez drôle que je me sois trouvé, bien malgré moi, dans un tableau vivant de la comédie humaine et que l’image symbolique qui en résulte puisse donner joie et courage dans des luttes à travers de nouveaux imaginaires positifs. Ainsi sera ma seule évocation de l’art et des artistes pour aujourd’hui.

Voilà je vous laisse enfin. J’ai fini d’écrire. Il est déjà tard dans la matinée, presque treize heures, je vais partir enregistrer ce texte pour que vous puissiez l’entendre dans le poste. Et à ce stade de cet éditorial toujours approximatif, peut-être vous demandez-vous pourquoi ce titre aujourd’hui ? Et bien laissez-moi vous dire que parfois il m’arrive de me plonger dans les racines de mes pensées politiques ou philosophiques. Aujourd’hui en me réveillant, ou plutôt pour être honnête en griffonnant mes notes hier, j’avais mobilisé la mémoire de Jean Jaurès à travers cette phrase : « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ! », une phrase prononcée lors d’un discours à la Chambre des députés en 1895. Un discours dans lequel il se positionnait contre toute guerre, surtout celle d’une revanche contre l’Allemagne, appelant à la démocratisation de l’armée, il y rappelait les liens intimes qu’entretiennent la bourgeoisie, le capitalisme et la guerre, y opposant socialisme, internationalisme et paix. Je n’ai absolument pas parlé de relations internationales, mais la paix peut aussi être considérée du point de vue de ses propres territoires intérieurs. Comprenne qui pourra, en tout cas je me comprends ! Et ainsi pour celles et ceux qui seraient déjà sur cet article dans mon site web, et pour celles et ceux qui ne vont pas tarder à s’y rendre, je vous quitte avec une image adéquate, issue de ma série « Slowgang » et qui fait lien entre tout cela il me semble.

Bona setmana a totas e totes, addisiatz amigas e amics, a diluns venent !

Image d'un dessin de la série de 52 pièces "Slow Gangs die Symphonie der relativen Utopien" de l'artiste plasticien Philippe Pitet - 2018
18e dessin de la série « Slow Gangs die Symphonie der relativen Utopien ». 20x20cm, technique mixte – 2018

Audio diffusé la semaine du 9 septembre 2024 sur les ondes de Radio FMR -Toulouse :


La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…

PhP

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