23.09.2024 – Chronique du lundi

23 septembre 2024 § Poster un commentaire

Ce fascisme que l’on a pourtant vu venir

Amies et amis qui arrivez sur ces premiers mots de cette Chronique du lundi 23 septembre 2024, je vous y souhaite bien le bonjour. Un bonjour plein de tendresse et d’empathie pour le monde de Sapiens malgré ses hideuses turpitudes du moment. Car en effet l’actualité n’est pas avare de tristes saletés, en France évidemment mais aussi partout sur la planète Terre dans tous les recoins occupés par notre espèce.

Surtout quand on pose son regard du côté de cette petite localité limitrophe de Carpentras en Provence, sur ce monstrueux fait-divers [+] symptomatique de la culture du viol et du patriarcat dans la société européenne et française en particulier. Le mythe du bon père de famille, le charme discret de la bourgeoisie qui pense venir participer à des partouzes avec un couple échangiste, la cécité médicale face aux alertes due à une incompréhension de ce qui peut se tramer, le silence complice entre hommes qui jaugent leur puissance à l’aune de celle de leur sexe, etc, tout cela explose à la figure d’un monde incrédule qui tombe encore une fois des nues.
Alors bien sûr ce n’est pas nouveau. Sans être un spécialiste de notre histoire de la fin du paléolithique [+] au tournant néolithique, depuis l’abandon de la chasse et de la cueillette pour l’écrasante majorité de nos congénères de l’époque, il y a fort à parier que nos sociétés humaines ont toujours traversé de graves turbulences de cet ordre. Avec l’invention de l’agriculture : l’exploitation sans limite des ressources naturelles, la propriété individuelle et la hiérarchisation sociale entre individu·es, sont apparus comme modèle de société. L’accumulation est devenue un objectif, l’exploitation de Sapiens par Sapiens un moteur et la possession un supplément d’âme. Le capitalisme n’est pas né de rien, on peut en être certain et toutes les difformités qui découlent de cela ne datent pas d’hier, ni même d’avant-hier. Ainsi à travers cette hiérarchisation sociale qui se cumule à la concentration de la propriété, un des principaux sentiments de puissance reste la possession du corps des autres.
Ce sentiment amène à cette légitimation idéologique qu’est l’asservissement [+] de la moitié féminine de l’humanité par l’autre moitié. Alors bien sûr encore le patriarcat n’est pas un truc à proprement parler uniquement capitaliste, mais il reste un de ses fondamentaux. Et pour revenir aux violeurs de Mazan, puisque c’est de cela dont il s’agit, le traitement médiatique [+] qui en est fait est aussi symptomatique de cet exploitation du corps féminin par une société masculiniste jusqu’au bout des ongles.
Rien que la sortie sur la BBC du maire à l’étiquette RN de cette petite localité est un exemple, même s’il s’en est soi-disant excusé il y a peu. Ce triste sire prétendait dans un reportage du service public audiovisuel britannique que tout cela aurait pu être pire et qu’après tout il n’y avait pas eu mort d’homme, ou même viol d’enfant.

Que dire de plus ? Rien, si ce n’est qu’il faudrait bien que nous nous regardions collectivement dans la glace et que nous finissions par éradiquer ces côtés infâmes de notre culture qui brisent les vies et tuent des gens malgré les affirmation d’un élu mâle blanc boomer. Ce n’est pas le fameux « wokisme », le fantasmé « terrorisme vert » ou tout autre « islamo-gauchisme » qui sont des dangers pour nos sociétés, mais bien ces agissements de violences systémiques générés par le capitalisme consumériste et extractiviste, portés par des édiles corrompus du local au national.
Un capitalisme et des comportements de violences d’état qui sont loin d’être en voies de disparition quand on voit la composition du nouveau gouvernement français… Comme le dirait notre cher Philippe Poutou [+], un vrai bal de tocards dans lequel se retrouve une majorité de réactionnaires patenté·es. Les françaises et les français ont cru faire barrage aux fascistes, et même avoir eu l’espoir d’avancées sociales et écologiques, ils auront la mise en œuvre d’une politique des plus régressives et des plus violentes depuis des lustres. Pendant ce temps là les mégafeux et les intempéries ravagent notre planète et les richesses s’accumulent dans les mains de privilégié·es hors-sol. Je pense qu’il est légitime d’être furieuse autant que furieux quand on a un minimum de cerveau, l’arnaque est visible de la Lune !

D’ailleurs, tout au long de cette comédie politique qui a duré tout l’été après les élections législatives françaises beaucoup ont hésité à parler de coup d’état pour avancer l’idée d’un simple coup de force, tellement le flou constitutionnel était épais. Alors ici, afin que chacune et chacun puisse se faire son idée sur la question, je voulais juste préciser la définition de Coup d’état… Deux points ouvrez les guillemets, « Un acte d’autorité consistant dans une atteinte réfléchie, illégale et brusque, aux règles d’organisation, de fonctionnement ou de compétence des autorités constituées, atteinte dirigée, selon un plan préconçu et pour des raisons diverses, par une personne ou par un groupe de personnes réunis en un parti ou un corps ; dans le but soit de s’emparer du pouvoir, soit d’y défendre ou d’y renforcer sa position, soit d’entraîner une simple modification de l’orientation politique du pays », fermez les guillemets.

Alors oui, que faire ? Juste continuer à se battre au front dans ces champs de batailles de la guerre culturelle en cours, dont je vous parlais il y a déjà deux chroniques. Ici dans les écrits ou les paroles diffusées sur les médias de l’alternative, comme Radio FMR [+] par exemple pour ne citer que celle sur laquelle vous pouvez aussi écouter régulièrement ces Chroniques du lundi.
Il y a cela, cependant pour ce qui concerne les artistes que nous sommes, il nous faut affuter notre regard sur le monde qui nous porte, toujours et encore le questionner et pouvoir diffuser ces idées. Pour exemple, cette semaine à Toulouse certaines et certains d’entre-nous, travailleur·euses de l’art et artistes plasticien·nes nous réunirons pour définir les contours de la lutte à mener à nos niveaux dans les semaines qui arrivent. Je vous en dirai plus dès mes prochains billets hebdomadaires.

En fait je ne vais pas rester longtemps avec vous aujourd’hui, j’ai beaucoup de pain sur la planche à gérer des choses du quotidien, quelles soient personnelles comme collectives. Je compose cet éditorial du premier lundi d’un automne 2024, je me dis au fond de moi que c’est un plaisir et j’espère pouvoir continuer encore longtemps à vous narrer le temps qui passe sous mes yeux.

Avant de vous quitter je tenais à faire deux petites dédicaces dont la première pour la géniale Lucie B. Cécile de son vrai prénom est revenue du monde de l’oubli volontaire avec ses superbes cartes postales et sa performance d’écriture, le temps d’une belle présence lors de « Chez Renée » à la Cave Po de Toulouse [+] ce weekend passé, c’était trop chouette de revoir cette prodigieuse artiste avec laquelle j’avais travaillé et créé d’extraordinaires performances radiophoniques comme « Love Me Tender » [+] ou les « Impairs de la Boutique à Réaction » dont vous trouverez des traces sur mon site web philippepitet.com. J’espère juste qu’elle reviendra plus souvent sur le devant de la scène.
Et puis en deuxième dédicace, je voulais parler de Frédéric Fau [+], un autre formidable artiste que je connais grâce à ma chère et tendre Thérèse [+] avec qui il avait fait les Beaux-Arts à Toulouse dans les années 90. Un artiste qui vit et travaille dans des contrées aveyronaises. Des paysage que l’on voient parfois apparaitre furtivement au cœur de ses grandes toiles. Ce dimanche 22 septembre au Salon Reçoit [+] j’ai découvert « en vrai », en toile et en peinture, loin de toute médiation numérique et autre photographie de ses œuvres, le formidable travail en noir et blanc à travers une impressionnante abstraction figurative somptueusement lumineuse, à la parfaite maitrise. Bref j’en suis fan et j’espère pouvoir avoir l’occasion de voir de nouvelles fois le travail de Frédéric [+], et son évolution !

Je finis de composer les lignes et d’organiser les mots de ce court opus du jour. Il est presque 14h et il me faut partir l’enregistrer. Je vous laisse pour cette semaine à méditer sur les paroles de Martin Niemöller [+], pasteur allemand du siècle dernier qui fut déporté par les nazis. Un court poème, un temps attribué à Bertold Brecht [+] intitulé « Als die Nazis die Kommunisten holten… » en allemand dans le texte, que je vais plutôt vous dire en français.
« Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste // Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate // Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste //Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester. »
« Als sie mich holten, gab es keinen mehr, der protestieren konnte – Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester ! »

Voilà, comme à l’habitude, dans l’article de cette Chronique du lundi 23 septembre 2024, sur mon site web, toujours philippepitet.com, je vous laisse avec une image de mes « carnets de voyages en bord de mer », qui va sûrement rejoindre le corpus de « Aiga – la cartographie sensible de l’eau » ce travail plastique sans fin et sans relâche que je mène autour de l’eau.
Je vous souhaite une belle semaine et vous donne rendez-vous dès lundi prochain. Addisiatz amigas e amics !

Dessin de bord de mer - Encre sur papier. Par le plasticien Philippe Pitet, septembre 2024.
24e dessin de la série « Slow Gangs die Symphonie der relativen Utopien ». 20x20cm, technique mixte – 2018

Audio diffusé la semaine du 23 septembre 2024 sur les ondes de Radio FMR -Toulouse :


La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…

PhP

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