30.09.2024 – Chronique du lundi

30 septembre 2024 § 2 Commentaires

Comme un grain de café dans un moulin à parole…

Après un weekend au calme dans une douceur automnale que l’on sent si fragile entre deux tempêtes, et malgré une cheville en vrac qui se souvient d’une vieille blessure de guerre, m’obligeant depuis une paire de jours à claudiquer aidé d’une cane, je sais que cette semaine marquera le début de la « vrai » rentrée de mes activités d’artiste et de travailleur de l’art, mais aussi de cette chère Radio FMR [+] dont, fort heureusement avec d’autres, je préside à la destinée. Je ne vais pas trop m’attarder en introduction poétique, même si il est 6 heures du matin à l’heure du continuum espace temps dans lequel la composition de ces lignes s’inscrit. Et que la douceur de fin de nuit envahit encore mon esprit embrumé. Pour vous situer encore mieux d’où je vous écris amies lectrices, amis lecteurs, amis auditeurs ou encore amies auditrices : je vous souhaite la bienvenue dans cette Chronique du lundi 30 septembre 2024. Premier billet d’humeur d’automne et dernière chronique, à propos du temps qui passe sous mes yeux, rédigée en septembre.

Je ne peux, au fil de mes éditoriaux approximatifs autant qu’hebdomadaires, que constater un temps bien triste qui passe sous mes yeux, à travers une horrible actualité planétaire. Une actualité dont on a l’impression qu’elle n’est faite que pour réjouir l’industrie mondiale de l’armement. La guerre se déchaine au Moyen-Orient sous le regard complice de l’Occident et l’Europe ne rêve qu’aux murs qu’elle pourrait construire pour protéger son petit confort.
Alors qu’ici en France, d’où malheureusement je vous parle, comment pourrais-je passer sous silence les monstrueuses turpitudes d’un pouvoir qui paraît avancer sans opposition sur son chemin dictatorial.

Nous voilà donc après un vrai-faux suspense face à une gouvernance du pays des plus régressive depuis des lustres. Nous croyions avoir tout vu avec cette « macronie » qui nous étrille années après années, hélas nous avons atteint les abîmes avec ce nouveau gouvernement fascisant aux ordres du Rassemblement National, à l’intersection des intérêts de la classe dominante et des plus bas instincts de l’humanité.
Mais après tout cela aurait-il pu se passer autrement ? Depuis la féroce répression contre les gilets jaunes et tous les mouvements sociaux, il ne faut pas être grand clerc pour s’apercevoir que nous ne vivons que dans l’illusion démocratique et non en démocratie. Le bloc bourgeois mène le jeux pour sauvegarder les profits du capitalisme consumériste et extractiviste. Il n’a que faire des libertés publiques et individuelles. Il n’a que faire des sauvegardes du commun. Il n’a que faire du bien public. Le profit est son moteur et la chair humaine son carburant.
La convergence des libéraux et des conservateurs pour son bien à lui est flagrante. Dès l’avènement du « macronisme » donc, sur les cendres d’une gauche dont les fossoyeurs et les fossoyeuses furent l’aile droite de cette dernière, le fameux barrage républicain a perdu tout son sens, l’extrême-centre a inversé les valeurs et manipulé les mots, ce qui lui permet de garder quoi qu’il en coûte à la société française sa position centrale sur l’échiquier politique. Le curseur se déplace inexorablement vers la droite. Toutes les forces et tous les pouvoir de celui de la presse à celui de la justice l’y poussent.
La fable selon laquelle il y aurait en France trois blocs : la gauche, le centre-droit républicain et l’extrême-droite, à l’assemblée tout comme au sein du corps électoral, est un leurre. Il y a un seul bloc de droite qui va de la droite de la gauche à l’extrême-droite. À sa gauche et à son centre, ce bloc capte les voix des idiot·es utiles d’une petite bourgeoisie en panique face à son déclassement, ainsi que celles de toutes et tous qui croient encore que nous vivons en démocratie. Surtout à qui l’on serine que les méchantes et les méchants se trouvent du côté de la gauche extrême, une gauche qui n’a d’extrême que le nom tellement les thèses défendues dans sa grande majorité restent plus proches de la social démocratie que de la révolution collectiviste. Depuis juin dernier, jamais le slogan « élections piège à cons » n’aura été aussi juste. Ainsi le bloc de droite tout puissant qui s’est dégagé de ces élections vient de voir son aboutissement avec le gouvernement actuel. Et là nous savons que ça va être très dur à supporter.

Ça sera dur à supporter surtout si on ne se met pas dans un état d’esprit combatif, pour au pire sauvegarder les lambeaux de droits qui nous restent et au mieux reprendre le dessus afin de gagner du terrain sur les idées de la soumission idéologique au sein de cette guerre culturelle et de cette violence que nous impose le bloc bourgeois. Du côté des artistes et des travailleur·euses de l’art, il me semble que l’embryon d’une mobilisation est en train de reprendre, il me semble aussi que l’expérience « Art En Grève » [+] s’est achevée pour s’ouvrir vers d’autres explorations de la lutte. Dans la Capitale occitane par exemple, la semaine dernière une première réunion a réuni quelques-un·es d’entre nous afin d’interroger et d’évaluer nos positions respectives d’où nous pourrions parler et puis acter.
Un bel élan qui nous a mené à appeler à la mobilisation dans la rue demain 1er octobre, et surtout à nous réunir à nouveau dans une assemblée générale le 17 octobre qui vient, à 18h30 au sein de la Bourse du travail, dans le cœur historique de la Ville rose. Petit appel de bienvenue à toutes et tous les artistes qui suivent ma Chronique du lundi !

Au cœur de ces luttes à travers ce paysage délétère, qui n’est pas uniquement propre à la France et qui prévaut dans toute l’Europe, nous n’oublierons pas que les faiseurs d’opinions idéologues fascisant·es se surexcitent au moindre fait-divers dans lequel toute une engeance fanatisée peut y coller la « storytelling » à l’encontre de l’immigré·e, de l’autre, de ces sales étrangers autant qu’étrangères.
Après les violeurs de Mazan en Provence, qui n’ a aucun intérêt pour l’extrême-droite et qui renvoie une image trop sale de l’homme blanc pour la presse hexagonale que l’on dit « mainstream », un autre dramatique fait-divers a lui la bonne grâce médiatique de déchaîner les outrances extrême-droitières. Le viol puis le meurtre d’une jeune femme au fond d’un bois parisien fourni le carburant de la haine fasciste.
Mais voilà, le problème n’est pas la nationalité du violeur-assassin, le problème est bien la domination masculine. En fait le patriarcat et la culture du viol va clairement de pair avec la chasse aux immigré·es que voudrait organiser tous les Ducons La Joie de l’Hexagone, sous prétexte que l’étranger c’est le violeur et l’assassin de leurs femmes, alors que statistiquement ce sont eux-mêmes les premiers des violeurs. Il faudrait marteler sans arrêt, à longueur d’informations que le sujet dans ce drame odieux n’est pas celui de l’identité nationale d’un criminel sexuel sous OQTF [+], mais bien ce que la culture des hommes autorise de violences faites aux femmes.
Car quoi qu’il ait pu arriver, ce délinquant une fois expulsé de France aurait perpétré son horrible crime sous d’autres cieux. Cette jeune femme horriblement violée puis assassinée est la 104e victime de féminicide en France depuis le 1er janvier 2024. L’instrumentalisation pour intérêt idéologique a été évidemment suivie par toute l’éditocratie française, et comme à l’habitude les femmes passent toujours après le profil des accusés. À la fin des fins si on regarde de près le traitement médiatique de ces indicibles horreurs faites aux femmes, personne ne s’est interrogé sur la nationalité des 51 violeurs en bande organisée dans l’affaire de Mazan, dans les médias des milliardaires comme sur le service public.

Pendant ce temps là un nouveau ministre de l’intérieur aux ordres du RN veut de l’ordre pour le pays, encore de l’ordre et toujours de l’ordre. Tout cela me donne envie d’écouter ce fantastique morceau « Regarde » [+] d’un formidable groupe de rock alternatif qui nous venait de Brive sous le nom de Single Track [+]. Un morceau prémonitoire sorti sur leur mini album « Corporation » en 1982 et aussi sur une compilation mythique du rock alternatif français intitulée « Les héros du peuple sont immortels » [+] trois ans plus tard. J’adorais écouter et passer ce morceau à l’époque. C’est toujours bien de puiser dans ses racines pour faire face à l’adversité.
Heureusement les luttes sont là, à nos portes et la guerre culturelle n’est pas perdue. Les résistances se mettent en œuvre comme autour de ces zones de luttes en cours entre Toulouse et Castres. Une histoire d’un grand chantier d’une autoroute inutile qui détruit des zones essentielles pour le vivant. Une histoire où l’imbécilité des bétonneurs qui se précipitent dans leurs méfaits vient d’atteindre son paroxysme avec la construction d’un pont [+] trop grand et mal fait qui doit être détruit. C’est nul mais pour le coup on peut se réjouir de l’idiotie de cette engeance trop âpre au gain qui ne sait manier que le bâton de ses nervis afin de mutiler les oppositions légitimes et les contraindre au silence, exemple supplémentaire de ce glissement sourd vers un fascisme systémique, ici, en France.

Dans tout ce grand cirque mortifère, le pire restera ce grand déni des enjeux de notre monde. Arc-boutés à leurs privilèges les puissant·es de la Terre préfèrent nous amener droit dans le mur plutôt que de laisser une once de leurs stupides privilèges. Juste pour l’exemple, presque l’anecdote, la nouvelle ministre de l’écologie du gouvernement français nous annonce qu’il va falloir nous habituer à vivre avec 4 °C au-dessus des objectifs de l’accord de Paris, pas si lointain pourtant. En d’autres termes, il nous faudrait accepter que le capitalisme et le profit d’une très infime minorité des Sapiens pourrisse la vie future de nos enfants qui n’auront d’autre choix que de survivre dans un monde impossible à vivre. Malgré tout un aréopage de technophiles au service de la consommation qui voudraient nous persuader que l’avenir est devant nous grâce aux climatiseurs.
Pour se convaincre de ces imbécilités qui ne résistent pas à l’épreuve des faits, il nous suffira de nous interroger sur le coût écologique de l’Intelligence Artificielle autrement nommée IA. Rien qu’à prononcer ce sigle on croirait imiter l’onomatopée d’un baudet. Vous pourrez retrouver un très bon article [+] à ce sujet sur le média indépendant Reporterre, en allant sur son site web reporterre.net, un article sous l’explicite titre : « L’insoutenable coût écologique du boom de l’IA ».
D’ailleurs quand on parle d’IA on peut aussi parler d’art et j’aime bien l’approche de l’artiste franco-canadien Gregory Chatonsky [+] qui nous explique sur son site web les différentes implications de l’IA dans l’art contemporain avec cet autre excellent article [+], intitulé « Tendances de l’IA en art contemporain ».
Voilà, vous comprendrez sûrement pourquoi je me suis inscrit un temps, et peut-être encore jusqu’à ce jour, dans ce mouvement de l’art contemporain qu’est la bricologie [+]. Un mouvement qui m’a permis justement d’interroger la technologie à travers mon boulot d’installations et de vidéos, mobilisant des technologies high-tech à travers des moyens low-tech.
D’ailleurs il est clair que la technologie n’est pas neutre comme le dirait le blogueur « Bon Pote », de son vrai nom Thomas Wagner, dans un article de son très bon site web [+], article intitulé : “La technologie est neutre, ça dépend du bon ou mauvais usage qu’on en fait“ [+], comme un pied de nez aux banalités quand la presse du capital parle d’écologie et dont je ne peux m’empêcher de vous citer un extrait, deux points ouvrez les guillemets !
« La technique est une manière de dévoiler le réel comme ce qui doit être arraisonné, pointait déjà Heidegger, c’est-à-dire mis à la raison, mobilisé, exploité et mis en demeure de livrer une énergie qui puisse être extraite et accumulée. Ce qui, évidemment, n’a rien de neutre. D’autres rapports au réel étaient et demeurent possibles : la recherche d’harmonie, l’écoute, la contemplation, la symbiose… »

Alors pour garder raison face à toutes ces turpitudes de notre espèce, j’aime aussi me plonger dans l’observation de la nature, à travers des moments de contemplation où je peux puiser de formidables ressources, quand cette nature nous apprend la solidarité. Savez-vous que les arbres de la forêt quand ils meurent, continuent à nourrir les jeunes pousses ? Je vous invite à vous renseigner sur tout le travail de l’ingénieur forestier suisse Ernst Zürcher. Vous en aurez un aperçu en lisant un article de présentation de son labeur intitulé « Les arbres sont les compagnons immémoriaux de l’humanité, nous n’existerions pas sans eux » [+] sur cet autre excellent média alternatif « La relève et la peste ».
Et puis face à ce besoin délétère de maîtrise technique sur une nature qui nous ferait peur à nous pauvres humain·es, je trouve extrêmement réjouissant de savoir l’existence des expériences de réensauvagement dans nos contrées aux agrestes paysages, comme par exemple la réintroduction des chevaux de Przewalski en Lozère, que j’ai pu lire dans un autre article [+] du média « The Conversation » ce coup-ci, ce qui nous change de la peur du loup ou de l’ours.

Voilà, sur ces notes de joie autant que d’espoir, je vous quitte pour prendre mon petit déjeuner avec ma chère et tendre Thérèse [+] et puis partir à quelques rendez-vous médicaux qui, je l’espère, me permettront de récupérer la faculté de marcher un minimum correctement. Pour enfin enregistrer ces quelques mots à la radio.
Sur mon site web philppepitet.com je vous laisse avec un de mes fréquents boulots sur petit bout de papier jaune et collant qui sert habituellement de pense-bête, que l’on nomme Post-it®, alors que l’on devrait dire papillon autocollant ou encore mieux : becquet ! Petit papier jaune sur lequel depuis quelques années je dessine au coin de la table de cuisine des multitudes d’appels à mobilisation. Peut-être cela entrera-t-il dans le corpus du groupe Imagerie de combat [+] que les circonstances vont sûrement réveiller de sa léthargie… Tout du moins je l’espère !

Sur ces belles dernières paroles, je vous laisse pour de bon. Je n’ai aucune explication à propos du titre de cette présente chronique, mais après tout pourquoi devrais-je me justifier ? Je vous le demande ! En attendant, je vous donne, comme à l’habitude, rendez-vous lundi prochain. D’ici là soyez combatives autant que combatifs. Bona setmana, addisiatz amigas e amics !

Visuel sur pense-bête collant, dessiné par le plasticien Philippe Pitet pour la mobilisation des artistes du 1er octobre 2024
Pense-bête, papillon autocollant dessiné de mobilisation – Philippe Pitet 2024

Audio diffusé la semaine du 30 septembre 2024 sur les ondes de Radio FMR -Toulouse :


La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…

PhP

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