28.10.2024 – Chronique du lundi

28 octobre 2024 § Poster un commentaire

Les yeux dans la montagne, la tête dans les nuages et les pieds dans l’eau…

Ce matin la pluie a cessé de tomber, ce n’est pas qu’elle fut si fournie ces dernières heures sur les bords de Drôme, mais elle a bien arrosé les sols assoiffés de l’automne. Les montagnes se réveillent langoureusement. Et quand on parle d’automne, elles n’en ont pas vraiment encore pris pleinement les couleurs, signe flagrant d’une arrière saison perturbée. La rue Buffardel commence timidement à s’animer en ce petit matin du dernier lundi d’octobre, ici à Die. Vous l’aurez compris, nous sommes enfin de retour dans notre Pays Diois. À coup sûr un des endroits au monde dans lequel j’aime me sentir bien. Ainsi que je vous l’ai si souvent seriné : c’est pour moi un havre de paix protecteur qui laisse mon esprit loin des tumultes de la vie. C’est donc d’ici aujourd’hui que je m’adresse au monde qui m’entoure de près comme de loin et c’est d’ici aussi que je vous souhaite bienvenue dans cette Chronique du lundi 28 octobre 2024. Que vous soyez sur les ondes de la Radio FMR [+] ou sur les lignes du blog de mon site web.

La semaine dernière, encore à œuvrer dans la capitale occitane, pris dans un workshop où j’entretenais à l’ESP-ESD [+] de Toulouse plus de quatre dizaines de jeunes gens en tous genres aux joies de la scénographie, comme je vous le disais dans mon dernier billet avec mon très cher ami, et brillant artiste pluridisciplinaire, Romain Quartier [+], je n’ai pas pu être très prolixe. C’était chouette mais extrêmement prenant. Aujourd’hui je l’avoue je m’octroie un temps de repos et le billet du jour sera aussi très léger, sûrement encore plus que ne l’était celui de lundi dernier.

Je vous prie humblement de bien vouloir ne pas trop m’en tenir rigueur, je suis relativement fatigué, l’âge sûrement ou presque. Ainsi que je vous le disais il y a 7 jours, voilà pile-poil 4 ans que je chronique le temps qui passe sous mes yeux, dans ces éditoriaux hebdomadaires sans interruption depuis lors. Je vous y parle des choses qui me touchent, d’art et de culture, mais souvent, bien trop, il faut l’avouer : de notre société des sapiens, de sa gouvernance par les puissants et de l’idiotie qui y règne. Évidemment l’incroyable actualité en France depuis plusieurs années tient une place prépondérante dans ces chroniques. De fait comme je vous ai déjà fait le coup dans le passé je ne vais pas vous parler de tout cela, tellement on hallucine actuellement. J’y reviendrai la semaine prochaine à coup sûr, à l’exception peut-être aujourd’hui de deux ou trois choses qui ont chauffé mon indignation ces derniers jours.

Et entre autres turpitudes du monde, une bien choquante fut cette visite officielle en France de la sœur du dictateur fou libertarien aujourd’hui à la tête de cette pauvre Argentine. Une jeune femme qui est non seulement la sœur cadette de celui qui avec violence vient de détruire son propre pays y amenant le taux de pauvreté à près de 60% de la population, elle est aussi la secrétaire générale de sa présidence. Elle a été reçue en grande pompes par la femme du président français qui a souligné dans un communiqué officiel les nombreux point communs politiques entre la France macroniste et l’ultra libéralisme mortifère à l’œuvre dans ce grand pays d’Amérique du Sud. On peut lire cette information, tout de même un peu passée sous les radars ailleurs, dans le journal engagé nantais Contre Attaque [+] en lisant l’article que vous trouverez en ligne intitulé : « Brigitte Macron reçoit la sœur de Javier Milei pour parler de bataille culturelle » [+].

Un autre fait extrêmement choquant est cette idée qui fait son chemin depuis quelques semaines sur les ondes et les lignes des médias du capital à travers de nouveaux éléments de langages de type orwelliens mis dans la bouche en boucle de nos dirigeant·es français·es, depuis quelques semaines par des communiquant·es toujours aussi prompt·es à nous faire passer nos vessies pour des lanternes. Cette petite musique qui monte et qui voudrait qu’il faudrait s’adapter [+] au changement climatique plutôt que de le limiter, devient de plus en plus forte.
Alors que le monde s’achemine rapidement vers une inéluctable augmentation globale de sa température de plus de 3,1 °C [+], une fois encore on voit ici se déployer les pires travers d’un capitalisme dont le seul bénéficiaire à court terme est le bloc bourgeois, mais qu’à la fin toute l’humanité sera perdante [+]. Ces fous au pouvoir ici ou ailleurs ne savent prendre aucune leçon de rien et n’ont que l’horizon de leurs profits dans les yeux.
Cette engeance est dangereuse pour l’avenir de notre espèce. Il faudra bien un jour arrêter leurs délires. Aucune personne se disant humaniste ne peut faire l’impasse sur cela. Et encore une fois la guerre culturelle qui se mène à l’heure actuelle fait partie de ces enjeux pour la survie de nos propres enfants dans la dignité d’une humanité durable. Nous sommes en première ligne ici même dans ces batailles des idées, où celles qui sont le plus faciles d’accès sont manipulées par une impressionnante cohorte de forces politiques allant de la droite de la gauche à l’extrême-droite fascisante.
Des gens qui ne voient que le bout égoïste de leurs nez et de leurs petits conforts mortifère. Je ne sais pas pourquoi, peut-être à cause de ce salon de l’auto d’un autre âge, tout ceci me fait penser qu’aimer les grosses voitures n’est pas un crime en soi mais que faire aimer [+] ces objets du désir individuel factice, est lui un acte criminel sans aucun doute. Mais je vais arrêter là mes considérations un peu moralisatrices qui pourraient être interprétées comme celles d’un vieil envieux aigri.

Et en parlant de moralisation tout comme des interprétations du péché à la sauce chrétienne, dans la même veine de ces idées nauséeuses et nauséabondes qui parsèment nos ondes et nos lignes des infos du monde : il y a Toulouse la satanique ! Alors que ce weekend, Thérèse [+], ses enfants et moi avons donc quitté les bords de la Garonne pour rejoindre ceux de la Drôme, nous avons laissé derrière nous ce spectaculaire spectacle de rue mis en œuvre dans les quartiers de l’hypercentre de la Ville rose par la Compagnie « La Machine » [+] du scénographe François Delarozière [+]. Je ne vais pas me faire ici écho des polémiques qui animent le monde de l’art et du spectacle à propos de cet événement qui a mobilisé plusieurs centaines de milliers de spectatrices et spectateurs parcourant les rues à la recherche et à la suite des marionnettes géantes toutes de bois, de métal et de fumée faites.
Pour ma part, dans ce monde en cours d’effondrement du vivant, je ne suis pas tellement fanatique du divertissement grandiose. Même si je comprends que ce travail, au fond, n’est pas de l’ordre de « l’entertainment populaire » et qu’il y a un véritable labeur tant sur la forme esthétique que la narration poétique qui interrogent nos rapports à l’industrialisation du monde et la mémoire de nos mythologies fondatrices. Je ne rentrerai pas sur la polémique autour des coûts d’un tel événement qui, rappelons-le, sont loin d’arriver à la cheville des coûts de construction d’un seul missile Milan !
Non, ce qui m’a plus que choqué c’est cette attaque venu du plus profond obscurantisme menée par l’église catholique et quelques autres groupuscules chrétiens contre cette manifestation intitulée « Les portes des ténèbres » [+]. Manifestation qu’ils traitèrent de satanique et la prirent au 1er degré dans leur imbécilité crasse, allant jusqu’à organiser des offices [+] menés par des dignitaires de la hiérarchie locale chrétienne. Offices et messes pleines d’une population toute aussi fanatisée qu’aigrie.
Il y a fort à parier que si cela avait été organisé par une quelconque congrégation religieuse se réclamant de l’Islam tout cela aurait fait les choux gras de la presse nationale pendant un bail et le spectre du terrorisme islamique aurait encore et encore refait surface dans les médias de masse. Hélas ici juste quelques entrefilets, juste un peu moqueurs, et surtout déculpabilisant, comme si l’affaire n’avait aucune consistance.
C’est bien symptomatique de l’instrumentalisation d’un discours à double langage sur la laïcité. Et surtout que cette laïcité est instrumentalisée par un racisme systémique quoiqu’en pensent les pourfendeurs du wokisme et autres névrosé·es de la discrimination ordinaire.

Et puis avant de vous quitter et d’aller me prélasser au soleil pour me préparer à quelques rendez-vous industrieux afin de trouver des éléments de subsistance, tant pour moi que pour ma petite famille, à mettre dans ma besace, il faudrait tout de même replacer au bon endroit cette dernière histoire autour du spectacle de « La Machine » à Toulouse. Il s’agit ici de parler d’un personnage fondamental de la mythologie de notre civilisation judéochrétienne.
Je passe sur la scénographie générale et le déroulé du spectacle actuel qui fait un mix moderne d’éléments mythologiques épars, je laisse à chacune et chacun d’en penser ce qu’iel en voudra. Dans cette nouvelle histoire de « La Machine » nous avons donc vu l’apparition d’un nouveau personnage central de ce drame de rue en la personne de Lilith [+].
La fameuse Lilith qui dans une certaine tradition talmudique de la genèse fut la première compagne d’Adam. Une compagne créée au même moment que lui qui refusa avec véhémence de se soumettre physiquement comme psychologiquement à son homme, allant même jusqu’à ne pas vouloir forniquer dans la fameuse position du missionnaire, ne voulant pas se trouver en position inférieure. Pour résumer l’histoire, elle fut chassée du paradis terrestre et fut remplacée par Ève, femme soumise à l’homme et pécheresse qui cadre mieux avec l’idéologie masculiniste de croyances dominées par des hommes.
Partie du paradis terrestre Lilith [+] n’en garda pas moins son indépendance et ses idées, la tradition la rendit alors encore plus démoniaque, elle se mit en couple avec un démon masculin qui avait la même idée qu’elle de l’égalité. À travers les siècles elle devint un personnage haï par les forces religieuses qui attribuèrent aux sorcières toutes ses tares libertaires.
Alors voilà tout ce que reproche les forces de la réaction à ce personnage féminin fondamental qui affirme haut et fort l’égalité de la femme et de l’homme à travers les temps. Elle s’insurge contre la culture du viol qui est systémique dans nos sociétés occidentales et au cœur même de nos croyances religieuses. Elle montre la voie du respect et de l’intégrité des femmes mis à mal par une société qui a décrété, sans aucun autre fondement que la superstition : la supériorité de l’homme sur la femme. Sous cet éclairage, on comprend mieux la haine religieuse et conservatrice à l’encontre du spectacle de « La Machine ».

Après ces quelques mots, je vous quitte ici je reviendrai vers vous dans une petite semaine, lundi prochain exactement comme à l’habitude de ces éditoriaux du temps qui passe sous mes yeux. Si vous êtes sur le texte de la chronique de ce jour sur mon site philippepitet.com, je vous laisse avec une image de ma série de dessins « Slowgangs » [+], une série de 52 dessins, un par semaine de l’année 2018, qui se proposait de questionner le champs des utopies graphiques, et qui m’engagea vers un travail de longue haleine au sein du groupe informel « Imagerie de combat » [+]. Je vous souhaite une bonne semaine entre les morts et les vivants début novembre oblige… Addisiatz amigas e amics !

Image d'un dessin de la série de 52 pièces "Slow Gangs die Symphonie der relativen Utopien" de l'artiste plasticien Philippe Pitet - 2018
24e dessin de la série « Slow Gangs die Symphonie der relativen Utopien ». 20x20cm, technique mixte – 2018

Audio diffusé la semaine du 28 octobre 2024 sur les ondes de Radio FMR -Toulouse :


La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…

PhP

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