10.03.2025 – Chronique du lundi

10 mars 2025 § 3 Commentaires

Une mauvaise sortie de route

Chères et chers ami·es, je vous avoue que ne sais pas vraiment comment et par où commencer cette Chronique du lundi 10 mars 2025. La chose la plus simple étant à coup sûr de vous y souhaiter bienvenue, lectrices et lecteurs de mon blog ou encore auditrices et auditeurs sur les ondes et les électrons de la Radio FMR [+] de Toulouse, où que vous soyez dans le monde et ailleurs, aujourd’hui comme dans le futur lointain.

Un futur lointain qui je l’espère finira par exister malgré les turpitudes de mes congénères contemporains autant que contemporaines. Sauf que si l’on observe le développement des événements qui se sont passés dans les jours précédant cette chronique et qui l’accompagnent au temps de sa présente rédaction, le futur immédiat aurait tendance à sentir le gaz moutarde plutôt que de doux parfums de roses, sans vouloir se prendre pour un Nostradamus de comptoir.
À travers ces informations toutes aussi anxiogènes les unes que les autres qui arrivent à nos oreilles, mais des infos surtout mortifères pour celles et ceux qui de par le monde, meurent sous les bombes et les coups barbares de leurs semblables, on a du mal à se promettre un bel avenir en commun.
Après avoir clivé les sociétés humaines pour son profit, fracturé et renvoyé dos à dos les lumpenprolétariats du monde entier et divisé les forces du travail pour mieux les manipuler, le capital et son bloc bourgeois nous entraînent vers l’économie de guerre. Je ne sais pas pourquoi, c’était prévisible et je ne vais par citer encore une fois cette phrase de l’immense Jean Jaurès dans son discours [+] à propos de nuée, d’orage, de capitalisme et de guerre qui dénonçait le meurtre de masse à venir juste avant qu’il ne se fasse assassiner par un fanatique d’extrême droite.

Voilà donc un bien triste avenir qui est promis à l’humanité si elle ne se ressaisit pas. À regarder de près tous ces discours guerriers n’ont rien d’autre motivation que de maintenir une compétition infernale entre les oligarchies du monde. À regarder de vraiment près le pouvoir mondial se dispute entre des gros poissons qui se positionnent au mieux dans le courant du profit individuel, portés par des nationalismes mortifères. La colonisation, âme sœur du nationalisme quelle qu’elle fut dans le passé et qu’elle qu’elle soit aujourd’hui est un formidable outil d’enrichissement des oligarchies de par le monde. Ces oligarchies sont d’autant plus puissantes qu’après avoir inventé la démocratie libérale telle que nous la vivons en occident depuis plus de deux siècles à des degrés divers et telle qu’elle a été imposée partout sur la planète, s’adaptant cas par cas aux coutumes locales après la fin de l’URSS, elles ont fini par mettre au pouvoir directement un des leurs comme aux États Unis d’Amérique et en Fédération de Russie pour ne citer qu’eux, ou bien : des hommes et des femmes de pailles comme en France.
Il y a quelques mois je posais la question du coût écologique de ces guerres qui explosent sur la planète. Aujourd’hui nous avons quelques réponses. La guerre en Ukraine a pollué notre planète pour un total de 230 millions de tonnes équivalent CO2 depuis son déclenchement par le dictateur milliardaire Poutine, c’est à dire l’équivalent annuel de pollution émise par trois pays européens moyens, comme on peut le lire sur le média indépendant en ligne « Reporterre » dans son article intitulé : « En Ukraine, la guerre et les incendies ont provoqué des émissions de CO2 record » [+]. Dans un autre article de ce même média : « Guerre à Gaza : 300 000 tonnes de CO2 relâchées dans l’atmosphère » [+], on peut aussi apprendre que cette mise à mort du peuple palestinien par le gouvernement d’un autre autocrate multi millionnaire a provoqué de son côté plus de pollution que la guerre en Ukraine.

Voilà on le sait : la guerre tue, elle pollue et nous continuons à donner blanc sein à celles et ceux qui la provoquent pour leurs profits. J’espère que tout du moins en France, malgré les médias de propagande bourgeoise et les politiques qui suivent ces délires, nous essayerons de ne pas tomber dans ce piège mortel. Aujourd’hui ce qui se joue n’est pas uniquement la tuerie de masse et la domination d’un peuple par un autre, ces gens n’ont rien à faire de la vie humaine, mais bien la concentration de toutes les richesses de la Terre dans les mains des plus puissant·es. À Gaza le bétonnage de la côte façon balnéaire n’était pas l’immonde fantasme d’un président richissime, il sera une réalité prochaine ainsi que nous le révèle cet autre média indépendant « Contre-attaque » dans cet article nommé : « Israël créé une «administration des migrations» pour déporter les habitants de Gaza et coupe la fourniture en électricité »[+].
Tout cela n’est pas une fiction, c’est la réalité de la guerre telle qu’elle est pratiquée depuis des siècles et des millénaires. Des peuples entiers ont été exterminés pour le plus grand profit d’une infime minorité de possédant·es. L’histoire ne se répète peut-être pas mais il y a fort à parier que les relations de causalité sont toujours les mêmes depuis que Sapiens a quitté l’ère paléolithique et inventé l’agriculture : la propriété, le profit, le pouvoir, l’exploitation, la manipulation, la guerre, ou quelque chose du genre. Et comme l’écrivait Anatole France dans l’Humanité du 18 juillet 1922 [+] : « On croit mourir pour la patrie on meurt pour des industriels ». Je voudrais bien arrêter là ma logorrhée anti-capitaliste dont j’ai l’impression moi-même quelle tourne à l’obsession, sauf que je ne peux m’y résoudre parce que le monde qui passe sous mes yeux m’y contraint.

Oui j’aimerais bien passer à autre chose. Mais comme je vous le disais en début de ce billet d’aujourd’hui, je ne sais pas par quel bout prendre les jours que nous vivons actuellement, tant je suis las de voir les idiotie surgir de toutes parts. La semaine dernière nous étions heureuses autant qu’heureux de voir cette décision judiciaire qui stoppait la poursuite du chantier d’une autoroute inutile, écocide et antisociale, dont l’unique objectif est le profit d’une petite caste. Caste qui manipule à outrance les peurs et les angoisses d’avenir d’une population paupérisée par leurs propres turpitudes. Aujourd’hui cette caste pousse des cris et menace, édiles locaux [+] bien graissé·es en tête. Des édiles qui vont jusqu’à nous expliquer que l’on doit passer outre les décisions de la justice. Des édiles garant de notre République qui se mettent hors la loi pour le profit des puissant·es. C’est ainsi que l’on voit l’état vouloir continuer les travaux dévastateurs de ce chantier, malgré la suspension de ces derniers. On marche sur la tête.
Le même jour que des centaines de milliers de personnes partout en France manifestaient pour une réelle égalité des droits entre les femmes et les hommes, une manifestation regroupant près de 5000 personnes, ou peut-être moins tout compte fait, avait lieu à Castres pour réclamer la reprise des travaux. Évidemment se tenaient à leur tête tous et toutes les élu·es des partis de droite allant de son extrême jusqu’à l’ineffable gauche de droite. Ce petit monde nous a sorti des couplets poignants sur leur Tarn et ce fameux enclavement qui serait si dur à supporter pour les tarnaises et tarnais du Sud. Ainsi va la manipulation portée par un journalisme de préfecture, où s’étalent des témoignages toujours en faveur de ce fameux désenclavement par l’unique solution autoroutière. Le désenclavement pour ces sinistres personnes ne passerait donc que par la construction d’une autoroute, extrêmement couteuse, dont peu pourront payer le péage ou même l’abonnement et qui ne fera gagner que 10 minutes sur le parcours existant. Dans ce panier de crabe, personne n’imagine des aménagement de l’infrastructure existante, comme cela a déjà été fait en beaucoup d’endroits. Et surtout personne n’imagine renforcer le rail et le développer.
Alors que des sondages en 2023 avaient révélé que 55 % des tarnaises et tarnais interrogé·es étaient favorables à l’abandon de l’A69, confirmant largement l’enquête publique sur l’autorisation environnementale fin 2022, où les habitant·es s’étaient prononcé·es contre ce projet autoroutier, comment dire à quel point ces jérémiades d’édiles locaux contre l’abandon de cette autoroute paraît hors-sol. Pour cette grande et petite bourgeoisie locale, idiotes et idiots utiles du capitalisme, cela couperait court à tout développement de ce territoire déjà bien trop sacrifié. J’aimerais qu’ils m’expliquent ce qu’ils entendent par « développement »… Une meilleure répartition des richesses sur le territoire ? Un meilleur cadre de vie pour les classes ouvrières ? Un système de santé de proximité efficient pour toutes et tous ? Des réseaux de transports en commun réellement utiles ? Des centres d’arts, des théâtres, des musées gratuits ? Une vrai éducation populaire ? Et j’en passe !
Ou bien, pensent-ils à des usines exploitant un main d’œuvre bon marché, des méga-bassines pour irriguer une agriculture aussi intensive que nocive, des écoles, collèges et lycées privés, des grands centres commerciaux périurbains, des cités pavillonnaires, … ?
Alors ici, je pourrais leur dire que moi aussi je suis extrêmement attaché à ce fameux territoire du Tarn Sud arrosé par l’Agoût et ses petits affluents que j’ai tant dessinés. J’y ai vécu et travaillé la plus grande partie de mon existence, de l’enfance à l’âge de jeune adulte, et puis bien après – jusqu’à ce jour – par larges intermittences. J’y étais hier à travers la tempête de pluie et d’Autan.
Avant même la rénovation de certains tronçons routiers, j’y ai sillonné à cheval sur mes bécanes ou au volant de véhicules divers et pas souvent en très bon état, ces routes qui ne sont dangereuses que lorsque l’on y fait des conneries. À travers la neige aujourd’hui disparue ou le vent d’Autan à décorner les bœufs, sous le soleil de plomb de l’été ou dans une pluie battante de mai je les ai pratiquées plus qu’à mon tour.
Une partie de mon activité d’artiste est encore ancrée dans ces vertes collines tarnaises d’où émerge la ligne sombre de la Montagne Noire.
Et même pendant des saisons et des années, j’ai régulièrement fait le chemin en automobile entre Toulouse et Castres matin et soir pour bosser, parce que les solutions de transports en commun et ferroviaire ont toujours été sacrifiées au mythe moderne de l’automobile toute puissante. Dans tous ces moments, quand il s’agissait de déplacements professionnels, mon seul regret était la nullité et le coût de l’offre du transport ferroviaire.
Soyons clairs autant que claires leur fameux désenclavement veut juste dire : préférer voir circuler des centaines de camions extrêmement polluants tous les jours sur une autoroute hors de prix pour les travailleuses et travailleurs qui l’emprunteront, au lieu de développer une vrai politique de fret et de transport ferroviaire par exemple. Une autoroute qui aura saccagé des zones essentielles pour notre survie dans un monde où la biodiversité s’effondre.
Il ne faudrait d’ailleurs pas oublier qu’en matière de désenclavement l’agglomération Castres-Mazamet dispose d’un aéroport, pas énorme certes, mais qui accueille tout de même des moyens courriers de type Airbus A320, là non plus pas très vertueux du point de vue du bilan carbone !

Voilà j’ai fini de m’énerver sur ce sujet qui, vous le lisez et l’entendez, me tient à cœur. J’ai même fini de m’énerver tout court, car je vais clore là ma chronique de ce jour. Du pain sur la planche m’attend, quelques propos artistiques en cours à développer et boucler. Et puis je voudrais bien rejoindre ma chère et tendre Thérèse [+] pour une flânerie domestique à apprécier le Soleil qui brille après des bourrasques d’un vent d’Autan déchaîné, avant que l’astre du jour ne soit parti de l’autre côté du globe. Un programme égoïste qui contraste avec la sombre actualité du monde. Et d’ailleurs en parlant de dure actualité, même si depuis deux éditoriaux je ne parle pas d’art, un de ces corollaires est la lutte pour sa préservation dans ce monde de brutes. Plusieurs d’entre-nous, travailleur·euses de l’art un peu partout en France, nous sommes engagé·es dans un combat pour la visibilité de nos pratiques et métiers et bien au-delà pour leurs reconnaissances. Cette semaine pour les toulousaines et toulousains de Travailleur·euses de l’art 31 [+], une nouvelle rencontre aura lieu le 13 mars dans les locaux de la Bourse du Travail, place Saint-Sernin à 18h30. C’est ouvert évidemment à toutes et tous artistes-auteur·ices dans le domaine des arts visuels et plastiques. Et puis en ce qui concerne mon point de vue sur la création visuelle, la culture ainsi que l’histoire de l’art, j’y reviendrai dès lundi prochain.

Je vous laisse ainsi pour aujourd’hui. Vous le savez en étant en lecture de mes Chroniques du lundi sur mon site web philippepitet.com, je vous laisse toutes les semaines en compagnie d’une image provenant de mon travail plastique. Aujourd’hui c’est un dessin déjà ancien puisé dans un de mes carnets de croquis qui s’inscrit dans mon labeur autour de l’eau, « Aiga – La cartographie sensible de l’eau ». Une surface de l’eau croquée quelque part dans les hauteurs tarnaises de la Montagne Noire, au dessus de Mazamet. Je vous souhaite une belle semaine presque printanière et vous donne rendez-vous dès lundi prochain. Addisiatz amigas e amics !

Dessin du plasticien Philippe Pitet extrait de son Carnet de la Montagne Noire. Dans le cadre du projet "Aiga - La cartographie sensible de l'eau". Crayon graphite sur papier Canson -2015
« Aiga – La cartographie sensible de l’eau » · Carnet de la Montagne Noire, crayon graphite sur papier Canson -2015

Audio diffusé la semaine du 10 mars 2025 sur les ondes de Radio FMR -Toulouse :


La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…

PhP

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