25.01.2021 – Chronique du lundi
25 janvier 2021 § Poster un commentaire
Et pourtant, il doit bien y avoir une porte de sortie !
Amies auditrices, amis auditeurs, chères et chers internautes de tous les horizons, bonjour !
Vous m’écoutez bien dans les programmes de la mythique Radio FMR [+] de Toulouse sur le 89.1 MHz de la bande FM de la Ville Rose, ou sur la Radio Numérique Terrestre DAB+ canal 7 c, ou encore en web stream sur l’url http://smeuh.org:8000/radio-fmr.mp3 [+] n’importe où dans le monde… Ou alors, et ça j’aime bien : vous me lisez sur mon site Philippe Pitet point com.
Bienvenue sur ma chronique du lundi 25 janvier de l’an de grâce (ou disgrâce) 2021.
Disgrâce car vu comme elle a débuté, cette année risque d’être assez chaotique.
En tout cas, tel un nomade chasseur-cueilleur pris au piège de la sédentarisation agricole les grands espaces me manquent, grands espaces déconfinés géographiques tout autant que mentaux.
Le mois de janvier n’est pas terminé que je veux déjà sortir du cauchemar. Car quand j’entends des conneries comme celle de l’Académie de Médecine qui préconise que l’on se taise dans le métro afin de ne pas transmettre le virus j’ai la furieuse envie de m’enfuir loin au fond d’une jungle perdue.
M’enfuir pour me plonger dans des bouquins qui font réfléchir à notre condition de pauvres humaines et humains sur notre pas moins pauvre planète.
Ouille ! Là, en me lisant ou m’écoutant, vous êtes en train de vous dire que la chronique d’aujourd’hui risque d’être aussi déprimée qu’approximative. D’autant que si elle est aussi longue que la semaine dernière, et si en plus elle se transforme en club de lecture, autant aller regarder des chiffres et des lettres.
Mais non, rassurez vous, aujourd’hui je serai bref, gai et entraînant, enfin presque, même en parlant de bouquins…
Je vous le relatais la semaine dernière : je m’apprêtais, à travers une trépidante expérience de « cascontactitude » que nous avons traversée avec ma compagne Thérèse [+] et ses enfants, je m’apprêtais donc à lire « De la démocratie en Pandémie » [+] ce petit ouvrage de seulement quelques pages, mais extrêmement précis écrit par la philosophe Barbara Stiegler [+] dans la collection « Tracts » chez Gallimard. J’ai lu et je n’ai pas été déçu !
Je vous le conseille plus que fortement. Il décrit avec force acuité ce moment historique dans l’histoire humaine que nous vivons et traversons avec peine. Il analyse parfaitement les processus qui sont mis en œuvre et les opportunismes politiques délétères portés par une stupidité crasse. Bref un petit fascicule efficace pour nous remettre les idées en place car les pistes de réflexions qu’il nous donne à réfléchir me paraissent totalement salutaires.
Et là, pour mettre concrètement notre quotidien dans la perspective de ce petit ouvrage, je me dis que le rebondissement du variant anglais dans le scénario de nos vies nous lasse un peu de cette histoire qui commence à manquer furieusement d’imagination et surtout d’intérêt. Ce ne sont pas les petites conneries de fausse interdiction et recommandation de ne plus porter des masques maison en tissus DIY, ou le fameux dernier kilomètre non pensé pour acheminer les doses de vaccins jusqu’aux lieux de vaccination (ce n’est pas faute de dépenser des millions pour se faire conseiller par des officines de conseils incompétentes), ou enfin le très maigre « effet galette des rois » qui nous pend au nez pour nous expliquer un nouveau confinement, oui ce ne sont pas ces petites conneries qui vont encore nous faire rire, d’autant que la suite de l’histoire avec son nouveau confinement « presque un an plus tard » fait non seulement scénario facile mais surtout resucée inutile.
Allons les gars et les filles, allons les ministres, allons le conseil de défense, allons les Tartarins et leur lionne, un peu d’imagination. Parce que je ne veux pas vous enfoncer mais l’histoire du combat contre l’effet apéro c’était quand du niveau force marron derrière et jaune devant.
Tenez, j’ai une piste pour vous : la bonne suite à donner à toute cette histoire serait de mettre un peu de sous et surtout beaucoup de moyens réels dans l’hôpital et la santé publique, là le scénar aurait vraiment de la gueule !
Pas du fric aux labos qui arrosent leurs actionnaires tout en licenciant leur personnel. Non simplement financer des personnels et des formations, de la recherche publique, des matériels hospitaliers et toute une industrie efficace derrière face aux enjeux vitaux.
Oui vraiment ce serait une belle histoire avec une chouette happy-end.
D’autant que la série concurrente « Un blond à la Maison Blanche » (ou « coûte que coûte le Capitole ») vient de s’achever, et il n’y aura sûrement pas de nouvelle saison avant un moment.
Alors, plus besoin d’en faire des tonnes dans l’intensité dramatique.
Ressaisissez-vous car vous êtes vraiment en train de passer pour des blaireaux. Des vrais tocard·e·s même pas au niveau des mauvaises séries dites familiales du type, deux points ouvrez les guillemets, « où il y a tellement de morts à élucider dans un petit patelin qu’il n’y reste plus un seul habitant ! »
Ah oui, au fait je remonte un peu plus haut, vous avez lu (et entendu pour les auditrices et auditeurs), j’ai parlé de « Tartarins et leur lionne », petite digression bien habituelle dans mes chroniques, mais vous aurez sûrement vu comme moi que notre sémillant premier ministre hexagonal appelle sa non moins sémillante et hautement « pressepipolisée » ministre de la culture : « ma lionne » !
Et que même il lui tarde que tout revienne à la normale car il aimerait bien aller danser avec elle sur un dancefloor, symbole de notre belle culture et beau savoir vivre à la française.
Moi je dis (et j’écris) que non seulement il y a anguille sous roche avec ces deux là, mais qu’enfin, enfin… Nous avons une bonne ligne directive pour la culture dans notre pays de type, deux points et ouvrez à nouveau les guillemets, « les marseillais à Paris, façon Derrick ».
Là je sais, je suis désolé : le modèle allemand s’impose encore un peu cette fois-ci, même avec une pointe méridionale.
Au fait les gens, si vous n’êtes pas content·e·s du programme fallait voter autre chose, plus style « Les jours heureux », il y a presque quatre ans.
Et oui nous y sommes dans les hauteurs élyséennes de la République Française, cette République qui marche mue par un opportunisme inébranlable avec sa culture, son art et Roselyne la lionne !
Voilà pour conclure cette séquence : le scénario n’est vraiment plus drôle du tout.
Surtout quand l’a vu à l’œuvre dans les diverses manifestations de la semaine précédente, les manifestations du samedi 16 janvier, dont je n’avais pas eu le temps de parler lors de ma dernière chronique [+], tout pris par mon histoire de cas contact.
Manifestations où partout en France des jeunes gens nous disaient leur volonté de vivre en dehors des diktats de la peur et montraient leur sens des responsabilités face à la syndémie (clin d’œil à Barbara Stiegler). Ces jeunes gens responsables sachant danser joyeusement avec tous les équipements et gestes barrières adéquats, réaffirmant ainsi la primauté des droits et devoirs des citoyens face à l’arbitraire.
Manifestations durement réprimées par un pouvoir en roues libres, qui est allé jusqu’à même s’immiscer, comme dans la capitale, dans le choix des musiques qui sont acceptables ou non lors des manifestation de revendications. Prenant prétexte pour la saisie de matériels que les musiques diffusées dans les cortèges n’étaient pas celles diffusées habituellement lorsque le peuple exerce sont droit à manifester. Dans pas longtemps, l’étape suivante, ce seront les préfectures qui diront les bons slogans que les manifestant·e·s devront scander…
C’est peut-être cela les nouvelles directives pour la culture et les arts en France.
Nous sommes en droit d’halluciner face à tant d’imbécillité décomplexée.
Et la jeunesse de notre pays, comme toutes les jeunesses du Monde, est en droit de nous demander des comptes face à leur avenir qui s’avère de plus en plus noir et incertain. Comment peut-on encore continuer à voir sans rien dire ces étudiantes et étudiants crever la dalle sans ressources ou même se suicider de désespoir ?
Alors même que dans ces foulées imbéciles le groupe Bolloré, ses médias dévoyés et son Canal + déchiqueté à l’hôtel de l’argent et du pouvoir du bloc bourgeois, dépose sans honte le nom même de Planète comme marque dans tous les registres de dépôts de marques disponibles, le froid remonte encore plus dans le dos.
Je m’énerve et j’ai une furieuse envie d’écouter le Moorsoldaten Lied pour me redonner le courage de la résistance. Tenez pour les internautes je laisse le lien ci-après pour l’écouter [+], pour les auditrices et auditeurs, il vous faudra aller sur mon site, en signe de résistance…
Résistance qui, en écrivant ces lignes au sortir de la nuit, me fait remonter des souvenirs.
Résistance que nous avions déployée il y a un an et un jour le 24 janvier 2020, avec Art En Grève Occitanie [+] au Musée des Abattoirs [+] de Toulouse. Ce soir mémorable où par centaines d’artistes, travailleuses et travailleurs de l’art, enseignantes et enseignants, avions fait bruire nos étendards « Ready flags » dans l’enceinte de cette vénérable institution toulousaine, non pas pour s’attaquer à celle-ci, ni à l’artiste Laure Prouvost [+] dont c’était le vernissage de l’exposition, mais pour montrer que nous étions extrêmement précaires malgré le faste qui entoure bien souvent ce monde de l’art.
La crise sanitaire nous a encore plus précarisé comme je vous le dit depuis plusieurs chroniques du lundi, encore et encore…
Nous n’avons d’autre choix que de résister de toutes nos faibles forces exsangues mais solidaires.
Heureusement des éclairs de lumières traversent nos ciels sombres. Et toujours dans ces lignes de résistance, je vous conseille de suivre l’excellente performance de l’artiste Régis Perray [+] qui, à Nantes, enjoignent l’état et notre lionne de ministre de la culture à « libérer les œuvres » des musées [+]. La finesse et l’humour aura toujours le dessus sur la bêtise.
Alors oui, il ne faut pas se leurrer, d’autres que moi l’ont récemment écrit et dit : nous ne sommes pas essentiel·le·s face aux crises que l’humanité traverse. Quand je dis nous, je parle de l’art et de tout son écosystème. Et bien évidemment je parle du cœur de ce dernier : des artistes ainsi que des travailleuses et travailleurs qui font vivre ces petites structures qui permettent productions et diffusions.
Si nous étions essentiel·le·s voilà bien longtemps, même avant toute crise sanitaire, que le petit monde de la création contemporaine serait au centre de tous les intérêts et de toutes les attentions en dehors de toute intention financière et spéculative.
Rendons-nous à l’évidence, comme les cafetiers ou toutes celles et ceux qui animent des lieux où l’humain se rencontre, cette économie où va se perdre vulgairement le bas peuple, nous sommes totalement inutiles pour la machine ordo libérale et capitaliste.
Je sais que ça a fait mal et atteint pas mal d’égos dans le milieu de la création.
On croyait questionner le monde avec intelligence, nous ne sommes ravalé·e·s au triste rang d’amuseurs publics tout juste bon·ne·s à remplir les écrans du Web pour meubler à bas prix les temps de confinement et de couvre-feu.
Comment faire alors si ce n’est que résister encore et encore.
Résister comme nous y avons été obligé·e·s la semaine qui vient de passer, avec cette affaire très toulousaine qui a tourné autour de ce lieu alternatif de la Ville Rose, j’ai nommé : Mix’Art Myrys [+].
Pour vous contextualiser cette fameuse affaire : Mix’Art Myrys est un espace de création alternatif bien connu à Toulouse et bien au delà, je ne reviendrai pas sur son histoire singulière, les curieuses et les curieux pourront tout trouver sur la toile pour satisfaire leurs curiosités et se faire une opinion.
Comme je l’écrivais à un ami récemment, on peut aimer ou ne pas aimer cette mouvance que représente Mix’Art, mais voilà des années maintenant que loin des clichés « punk à chien », ils permettent à des dizaines d’artistes de tous horizons, y compris de jeunes diplômés d’écoles d’art, d’avoir des espaces et un outil de travail que celles et ceux-ci ne pourraient pas avoir ailleurs, d’où les dizaines de milliers d’euros de subventions qu’on leur reproche de toucher, malgré leur, ouvrez les guillemets, position alternative, fermez les guillemets !
Ensuite cet espace à permis aussi l’expérimentation artistique qui ne pouvait se faire ailleurs par manque total de structures adaptées dans la quatrième ville de France.
Enfin il faut reconnaître que voilà bien longtemps que Mix’Art Myrys ne revendique pas (plus) une rébellion à trois balles, mais plutôt le droit à l’expérimentions sociale et artistique alternatives, s’inscrivant dans des processus citoyens de défense des communs.
Encore une fois qu’on aime ou non cette structure, que l’on aime ou non les dialectiques et modes de combats qu’elle utilise, on peut penser ce que l’on veut sur ses esthétiques ou ses expressions artistiques quand on les estime loin de nos pratiques ou idées, on peut dire et penser ce que l’on veut, mais je l’ai et nous l’avons déjà dit et écrit, pour moi comme pour toutes et tous d’Art En Grève Occitanie, le seul fait de voir des dizaines d’artistes dépossédé·e·s de leurs outils de travail est simplement inadmissible.
Pour finir de vous contextualiser l’affaire : Mix’Art Myrys a fait l’objet d’une fermeture administrative pour non respect de conformité du grand bâtiment qui les héberge. Je le répète, immense bâtiment qui appartient à la ville, tout comme la commission de sécurité qui vient de le faire fermer !
Jetant à la rue plus de 60 artistes du jour au lendemain et des centaines de projets financés parfois par des subventions de la métropole et de la ville même.
Voilà une affaire bien délirante quand on y pense car si le bâtiment appartient à la ville, c’est bien à cette dernière de faire les travaux nécessaires pour les mises en conformité.
Apparemment sujet sensible sur fond de quartier soumis à une pression de spéculation immobilière, comme le dit le proverbe populaire et de qualité : « quand on veut tuer son chien on l’accuse de la rage ! »
L’équipe de Mix’Art Myrys a fort heureusement rapidement alerté l’opinion publique et la presse de la situation. Mercredi dernier ils ont appelé, via leurs réseaux on s’en doute, à participer à une conférence de presse devant le siège de la métropole. Beaucoup de sympathisant·e·s, d’artistes de tous poils et de journalistes se sont mobilisé·e·s.
Et là, quand je repense à la chronologie de l’affaire mon vieux fond occitan fait pousser ce cri : VERGONHA ! Difficile de le transcrire à l’écrit mais les auditrices et auditeurs ont bien pu entendre la saturation égale à mon écœurement…
Alors que dans le même département, plus au sud à la limite du territoire espagnol mitoyen, on a laissé pérorer des militants d’extrême-droite qui pratiquent la chasse à l’homme à nos frontières, les autorités ont dispersé honteusement le rassemblements des citoyennes et citoyens pacifiques qui ne demandent juste qu’à permettre à un lieu de culture et de création de continuer à pratiquer cette activité indispensable à la vie de la cité et son rayonnement dans les meilleures conditions, cela se passe en France et il s’agit de la 4e ville de ce pays, c’est juste la honte.
(Et en plus j’ai réussi à placer ma phrase à rallonge !)
Le pire c’est que le lendemain, le jeudi 21 janvier, le préfet de ce même département avait interdit le centre-ville de la Métropole toulousaine à une grande manifestation unitaire pour la défense de la santé publique, sous prétexte que ça dérange les jours de soldes commerciales.
Voilà, je vais juste écrire à nouveau ou vous relire ce communiqué écrit le lendemain après avoir appris, non seulement la fermeture au public de Mix’Art Myrys mais aussi l’impossibilité pour les artistes résidentes et résidents de pouvoir y retourner travailler :
« On peut dire ce que l’on veut sur les esthétiques ou sur la/les valeur(s) des expressions artistiques quand nous les estimons loin de nos terrains d’explorations plastiques… On peut dire ce que l’on veut, mais le seul fait de voir des dizaines d’artistes dépossédé·e·s de leurs outils de travail est simplement inadmissible. Soutien total aux artistes de Mix’art Myrys ! »
Heureusement dimanche 24 janvier, c’est à dire hier si l’on se base sur la journée d’écriture de cette chronique du lundi 25 janvier 2021, nous étions plusieurs centaines, que dis-je plusieurs milliers à battre le pavé toulousain pour la défense de Mix’Art Myrys, ses artistes et à la liberté pour toutes les expérimentations artistiques…
Nous espérons toutes et tous, pour l’ensemble des artistes privé·e·s de leurs outils de travail, un rapide et heureux dénouement à l’affaire
Sur ces écrits rageurs et paroles un peu énervées mais pleins d’espérance, je clos ma chronique du lundi 25 janvier 2021, je vous laisse à vos occupations et vais vaquer aux miennes comme à l’habitude. Et vous souhaite une belle semaine d’hiver, car il en faut…
Ah, oui, avant de clore réellement, j’allais oublier : cette chronique du lundi sera peut-être bientôt diffusée aussi sur la Web Radio de la Cave Poésie [+] à Toulouse, Radio Cave Po’ [+], je vous en dis plus très vite, c’est promis !

Peinture Numérique – Digital painting // 1996
La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…
PhP
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