25.10.2021 – Chronique du lundi

25 octobre 2021 § Poster un commentaire

La révolte de Ewoks

Mes bien chères amies et mes bien chers amis, que vous soyez internautes, que vous soyez auditrices ou auditeurs, que vous soyez ce qui vous plaira, nous somme le lundi 25 octobre 2021, comme tous les lundis depuis maintenant plus de douze mois, comme un nouveau rituel bien rodé, je vous souhaite la bienvenue dans cette nouvelle chronique du lundi.

Il y a un an dans cet exercice d’une écriture balbutiante autour de ma vision du monde qui s’étire dans le temps présent d’une narration fugace et qui s’exerce tous les lundis de zéro heure à minuit dans le maximum de son intervalle d’ouverture, j’étais en terrible pétard contre la gestion faite par nos dirigeant·e·s pour lutter contre cette pandémie qui dévore notre existence depuis plus de 18 mois. En France, avec cette nouvelle prolongation de l’état d’urgence sanitaire réinscrite dans les lois républicaines de ce pays, rien ne change… Mais de lassitude j’ai appris à ne plus me mettre en rogne si vite… Et puis voilà plusieurs chroniques que j’essaye surtout de prendre distance avec ces actualités assez vaines à la fin des fins. Comme l’a dit un incroyable escroc qui finit par devenir un premier édile de France adulé : « La Terre brûle et nous regardons ailleurs ! »

Une fois n’est pas coutume donc et je vais commencer ma chronique du jour par un peu d’art. Tout d’abord, parce que vous le valez bien, j’ai bien envie de parler et de rendre compte de Manifesto [+] et du Printemps de Septembre [+] qui viennent d’avoir lieu en cette fin septembre et début octobre de cette année 2021.
Il y a déjà presque un mois, je vous avais succinctement parlé des deux manifestations qui me paraissent des événements phares dans le champs des arts visuels à Toulouse.
Je vous avais indiqué à quel point elles me semblaient fragiles, malgré leurs présences apparemment massives. Aujourd’hui de leurs fragilités respectives vais-je vous parler, mais avec tendresse et du point de vue des contenus artistiques. Car en effet, au-delà des difficultés à déployer de telles manifestations, le contenant influe souvent sur le contenu.

Pour Manifesto, qui est avant tout un grand moment de retrouvailles toutes en convivialité dans cet univers bien particulier qu’est la photo au sein des arts visuels et plastiques, le choix de l’espace public fermé dans un cercle de conteneurs n’est pas neutre ni anodin. Je dois avouer que j’aimais mieux les explorations aventureuses et parfois iconoclastes des débuts de cette manifestation quant aux lieux de monstrations. Du coup, pour dire, la scéno dans des conteneurs c’est sûrement compliqué à mettre en œuvre, ce n’est tout aussi sûrement pas facile pour les artistes lors de l’accrochage, et c’est certainement difficile pour le public dont je fais partie pour s’y retrouver. Bon bref, je trouve le concept intéressant mais vraiment à améliorer pour permettre une meilleure approche des œuvres en présentation.

À travers ce fort bémol mais qui m’est totalement personnel il est temps de laisser parler mes yeux. Et m’attarder sur trois propositions qui m’ont éclairé dans la pénombre de ces conteneurs posés depuis plusieurs années déjà sur cette place Saint-Pierre de Toulouse.

J’ai sincèrement aimé le travail de cette artiste franco-marocaine Aassmaa Akhannouch [+] qui m’a touché parce que ses photographies déploient une mémoire sensible, quasi élégiaque et d’une élégance rare. Sa précision dans l’image à travers la grâce des personnages qui habitent cette maison de l’enfance, c’est vraiment beau. Il faut noter que cette photographe a reçu le prix HSBC 2021 [+].

Au cœur de la proposition de cette dernière édition de Manifesto il y a aussi le travail d’Antoine Vincens de Tapol [+] que j’ai pareillement apprécié. Parce que bien sûr l’objet central est l’eau, vous le savez si vous me suivez : l’eau et sa mémoire reste un sujet d’étude central dans mon travail. Et avec sa série « Eau Sauvage » Antoine Vincens de Tapol ne peut que me toucher. Mais chez lui l’eau de ces rivières, de ces étendus maritimes est habitée par des êtres humains émouvants à travers la simplicité qu’ils ont dans le rapport qu’ils entretiennent avec cet élément sauvage et liquide.

Et pour finir à parler des œuvres qui m’ont plu dans ce Manifesto 2021, je ne peux pas passer à côté du travail de Gaël Bonnefon [+], toujours aussi fabuleux. Gaël sait transcender l’engeance humaine prise dans une situation banale comme dans un état apocalyptique en paradis poétique et pictural. La regard qu’il porte au monde est entièrement habité d’empathie pour ses contemporaines autant que pour ses contemporains. Dans sa série « Même Soleil » il transforme la nature de l’image brute en une poésie indescriptible par écrit ou en paroles tellement il faut se placer physiquement devant ses photos pour en absorber leurs substantifiques moelles. Je pourrais presque dire que Gaël est un photographe quasi « Lynchien », j’adore et je dis mille fois bravo !

De Manifesto je vais passer au Printemps de Septembre qui fêtait son 30e anniversaire cette année. Un festival qui débuta sur les bords du Lot à Cahors sous la forme d’une manifestation de photographies. Le PDS, acronyme de cette manifestation est venu s’installer sur les bords de la Garonne à la fin des années 2000 pour devenir une manifestation d’art contemporain au sens large. Elle fut tout d’abord annuelle puis biennale, pour la simple raison que les financements n’étaient plus au rendez-vous espéré. Pour couronner le tout la crise sanitaire a déplacé l’édition prévue l’année dernière à cette année. Beaucoup d’aléas qui auraient pu porter un coup fatal à cet événement bien ancré dans l’agenda de la cité mondine. Petite aparté pour vous dire qu’un jour peut-être vous dirais-je ce que renferme ce terme « cité mondine »…

En attendant et passé ce petit tout autant que succinct historique, pour tout vous avouer je n’ai pas pu visiter la globalité des propositions de cette édition 2021. Comme vous l’avez compris si vous avez suivi mes dernières chroniques, Thérèse [+] et moi avons eu de fortes perturbations dans nos agendas depuis l’été dernier. Perturbations qui nous ont souvent amené loin de notre foyer toulousain. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas le PDS, ce festival s’étale sur toute la ville rose intra et extra muros et même un peu au-delà.
Cette année la manifestation était présente sur près de 35 lieux sous le nom de : « Sur les ruines de l’hacienda » en référence à l’Internationale Situationniste [+]. Une résistance à travers des dizaines d’artistes vivant·e·s comme passé·e·s qui y étaient presenté·e·s dans des espaces de monstrations classiques de types « whitecube », comme dans l’espace public.
Tant les propositions artistiques présentées sur cette édition étaient denses, et comme nous savions avoir peu de temps pour contenter nos yeux de ces centaines d’œuvres il fallu faire des choix, nous avons donc concentré notre déambulation rive gauche du côté de Saint-Cyprien sur les bords du fleuve. Nous avions déjà fait un tour, position géographique de notre atelier oblige, du côté de Bonnefoy et de Matabiau sur les bords du canal.
Pour les non toulousain·e·s tous ces noms sont ceux de quartiers du centre de la cité mondine, les autres savent et pourront situer mentalement. Dans tous les cas vous pouvez faire un tour sur le site web du Printemps de Septembre [+] pour vous faire une idée de tout cela.

Alors oui, je l’avoue, je ne vais pas faire la fine bouche, il y avait une masse considérable d’œuvres et de travaux artistiques remarquables proposés à l’œil du public. Je ne vais pas m’étendre encore une fois sur une scénographie plus que limite, tant il était très difficile de reconnaître qui faisait quoi à travers ces expositions collectives et métissées de courants divers autant que variés, d’artiste connu·e·s ou moins connu·e·s, d’ici ou d’ailleurs. Ces approximations scénographiques je dois le dire m’ont bien gâché la fête que je me faisais à rencontrer le travail de ces artistes comme un « regardeur » lambda, sans passe droit. J’ai donc dû, même dans les endroits visités passer à côté de beaucoup de choses. C’est bien dommage.

Je vais juste retenir ce qui m’a semblé être la meilleure proposition que j’ai vue dans le cadre de ce festival et qui était celle de Lieu-Commun [+], tiens comme c’est bizarre, mais je n’y peux rien même la presse spécialisée était d’accord si on en crois cet article de Politis en lien [+].
Dans les faits ce n’est pas si bizarre parce que l’on aurait dit que cette exposition intitulée « Un autre monde, dans notre monde » était spécialement pensée pour cet artist run space… À moins que ce ne soit l’équipe de ce lieu qui ait réellement pensé et accompagné avec finesse la mise en valeur des pièces du fonds de dotation Agnès B. [+] présentées ainsi que la pièce créée in-situ pour l’occasion par la formidable artiste qu’est Nadia Von Foutre [+].

Bref c’était là une belle réussite, comme souvent à Lieu-Commun qui a su déployer une grande intelligence et accompagner Jean-François Sanz dont on se souvient qu’il fut la cheville ouvrière des Jeunes gens modernes [+] et qui était le curateur de cette exposition bien spécifique au cœur de cette édition passée du Printemps de Septembre. Exposition qui en reste ce que j’y ai vu de mieux et je suis loin d’être le seul… Ceci dit Même si je sais que beaucoup ont été assez déçu·e·s par cette édition des 30 ans du Printemps de septembre, cette manifestation a le grand mérite d’exister, de rencontrer un large public [+], c’est déjà ça et c’est un succès mérité.

Nous arrivons à un stade bien avancé de ma chronique du jour, je ne vais pas tarder à rendre les armes sans avoir trop dit grand chose. Mais je vous avais promis il y a un mois de vous parler un minimum de ces deux manifestations du paysage de l’art toulousain.
Du coup comme un travail de commande, le début de cette 54e chronique du lundi s’est étalée bien roborativement autour d’un compte rendu très approximatif et peu inspiré, je vous l’accorde, de ces manifestations incontournables autant que fragiles, voire fragilisées par une politique culturelle locale.
Sauf que si je ne veux pas finir par voir disparaître toute lumière au fond du noir profond dans lequel nos édiles locaux ont plongé l’art et la création artistique de la capitale occitane, il me faut affirmer mes opinions toutes aussi mal exprimées qu’elles soient. Ceci dit ce ne sont pas ces quelques mots que je vous délivre ici qui vont changer la donne, mais l’espoir fait vivre comme on dit trivialement.

Ce qui m’amène a me faire écho de cette information réjouissante concernant Mix’Art Myrys [+] qui annonce une possible ouverture de lieu du côté sud de l’agglomération toulousaine [+], dans un coin de la ville qui est régie par l’autre communauté d’agglomération, le Sicoval qui n’est pas Toulouse Métropole.
Alors que Toulouse Métropole, aux mains de sa ville principale et régie par une frénésie immobilière outrancière, avait décidé de faire la peau à ce collectif historique d’artistes toulousain, il se pourrait bien que celui-ci puisse renaître de ses cendres dans un premier temps du côté de Ramonville-Saint-Agne. Ville de la banlieue sud de la ville rose pour celles et ceux qui ne connaissent pas cette cité. Affaire donc à suivre de très près [+]

Et de l’espoir il y en reste a toujours quand on voit cette information passée évidemment sous silence et inaperçue dans la presse française avec le KPÖ, le Parti communiste autrichien, qui a gagné la ville de Graz qui est tout de même la 2e ville d’Autriche ! [+]. Cela s’est passé il y a plus d’un mois et pourrait être un bel exemple pour sortir d’une vague brune que l’on voudrait inexorable en Europe.
Surtout quand cette Europe ultra libérale dans un excès de folie anticommuniste primaire en viendrait presque à décorer une dictatrice sud-américaine qui doit comparaître devant la justice péruvienne sous le chef d’accusation entre-autres de génocide, une petite histoire à lire sur le Monde diplomatique [+].

Voilà je ne m’étalerai pas plus sur des considérations politiques, si ce n’est pour dénoncer cette obsessions générale sans fin du complot gauchiste ou des ayatollahs verts dans la presse française, alors que la peste noire est en train de gangrener notre monde. C’est un peu le monde à l’envers quand Le Figaro fait sa une sur une soit disant main mise du service public de l’audiovisuel français par de dangereuses et dangereux anarcho-syndicaliste de tous poils, ou par des islamo-gauchistes acharnés, ou encore par les promotrices et promoteurs de la fameuse et improbable culture de l’annulation [+]. C’est vrai que nous ne devons pas oublier qu’en plus de travailler pour les médias Bolloré, un certain éditorialiste de la droite extrême aux ambitions présidentielles travaille aussi pour ce média du groupe Dassault.

Nous sommes vraiment en droit de nous interroger pour savoir qui est aux mains de qui. Et avec tout cela nous atteignons vite le fameux Point Godwin à chaque phrase prononcée, comme on peut le lire sur Infoscope [+]. Et pour finir nous pouvons nous interroger sur ce qu’est l’intelligence et si nous vivons réellement en « idiocratie », en ressortant une émission d’il y a plus de deux ans, diffusée sur une des radios de ce fameux service public gangrené par la vermine gauchiste que je vous conseille d’écouter [+], la radio pas la vermine gauchiste, quoique si : je conseille les deux pareillement !

Bon puisque j’en suis à faire l’apologie de ces terribles idéologies qui vont tuer notre belle culture occidentale et surtout française, je suis très content d’annoncer la naissance toute chaude du site imagerie de combat point art [+], tout en minuscule et attaché, qui va poursuivre le travail et rendre compte des labeurs du groupe imagerie de combat dont je vous ai déjà parlé sur mon propre site. Une super aventure emplie de belles étincelles qui vont illuminer ce ciel bien morose qui nous est trop souvent amené à contempler.

Et je prierais tou·te·s le thuriféraire de la conservation de se faire greffer un cerveau avant de déverser des tonnes d’horreurs sur tous les toits, et de plutôt se renseigner vraiment sur ce que sont les notions d’intersectionnalité en sociologie. Ou tout simplement de se renseigner sur cette science humaine qu’est la sociologie, qui est une science et non une idéologie instrumentalisable et instrumentalisée à souhait.
Pour le coup et pour édifier les chafouins comme les chafouines, je vous laisse avec un lien [+] sur ces entretiens « À voix nue » de Pierre Bourdieu, qui datent de 1988 et diffusés sur cette fameuse radio tellement séditieuse à force de distiller insidieusement des considérations bêtement culturelles.

Mais avant de partir pour de bon j’avais envie de coller un peu à l’actualité, de l’art ce coup-ci, et de parler de ce qui parait être l’événement du monde de l’art contemporain en France, vous savez ce brumeux pays au Nord, de ces derniers six mois. Je veux parler de l’exposition au Palais de Tokyo à Paris de la plasticienne Anne Himof et de son univers crépusculaire [+], une exposition qui vient de s’achever.
Une expo que je n’aurais donc pas vu et qui s’est déployée dans l’ensemble de cet espace phare de l’art contemporain au cœur de la capitale française. Pas tant que je fus rétif à sa visite, seulement j’avoue ici ne plus trop ressentir l’envie d’aller à Paris, si tant est que cette envie m’ait une fois réellement titillé. Une exposition de cette artiste allemande dont je n’ai entendu que du bien depuis son ouverture. Je ne peux donc rien en dire, mais je ne résiste pas à partager cette critique acerbe en lien et en ligne sur le site web des Jeunes Critiques d’Art, yack tiret du milieu international point com [+], une critique qui détonne au sein du concert des louanges un peu trop suspect dans lequel baigne cette expo.

En fait, j’aime assez le travail d’Anne Himof [+] en général, enfin pour ce que j’en connais, une connaissance loin d’être exhaustive. Je suis surtout extrêmement réservé quand une émergence dans l’art contemporain se transforme en icône et devient le fer de lance d’un système capitaliste et d’une communication commerciale qui tue toute réflexion intelligible autant qu’intelligente dans la création. Je pense que l’on approche de ce point avec cette artiste, et j’ai bien peur que les esthétiques consensuelles et convenues qu’elle déploie n’y noient à terme un manque de propos alors que ce dernier se voudrait progressiste autant que critique face au monde contemporain.
J’espère simplement me tromper. Mais c’est un peu comme se leurrer en croyant qu’il puisse y avoir une once de subversion ou de critique sociale dans des pièces présentées au cœur d’espaces comme la Bourse de commerce de Paris. Bâtiment détenu à présent par un milliardaire comme une ultime ironie du sort pour y présenter ses collections d’art acquises à grand frais afin d’en générer un beau profit. Je ne dis pas que les travaux des artistes qui y sont exposés soient sans intérêt et qu’ils n’aient aucune valeur autre que pécuniaire, sauf qu’à travers ces étalages on est tout de même là pour cela.

Je me dois de clore cette 54e chronique aussi longue que relativement barbante à parler d’art sans grand enthousiasme, et sur ces considérations presque marxistes tendance Groucho, je vous souhaite une belle semaine d’automne et vous donne rendez-vous lundi prochain comme à l’habitude.

Extrait de papier peint "Puisqu'Elle Est Partout Elle Est Partie" - Installation et dessins hilippe Pitet - 2014
Extrait du papier peint pour l’installation « Puisqu’elle est partie, elle est partout » – 2014

La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…

PhP

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