07.03.2022 – Chronique du lundi

7 mars 2022 § 1 commentaire

Entre continuum et fragments

Me voilà revenu il y a quelques jours dans la capitale occitane, et après un très heureux vernissage sans masque samedi pour l’exposition Ricochet [+], puis un dimanche tout en douceurs avec ma si chère et si tendre Thérèse[+], me voilà les pieds sur terre, me voilà dans la réalité d’une vie active qui me fait tant de fois sauter du coq à l’âne, me voilà à observer les nouvelles menaçantes du monde. Ainsi au réveil, dans ce petit matin d’un hiver finissant qui ne fut pas si froid même à l’ombre de nos chères montagnes, réchauffement climatique oblige, je me pose encore et encore la question de la vie comme elle va. Nous sommes le sept mars deux mille vingt-deux, il est déjà tard pour moi, bientôt six heures trente minutes à l’heure où je commence à écrire ces lignes. Je vous souhaite donc bienvenue dans cette chronique du lundi.

Cette chronique sera courte, il me faut aller travailler et vaquer à des occupations que j’avais laissées de côté ces derniers jours à cause de trois cent dessins de ma cartographie sensible de l’eau, ce travail que j’ai nommé « Aiga », qui veut dire eau en occitan, qui se prononce aïgo, et qui m’amène depuis plus de dix ans à arpenter nos contrées de langue d’oc à la recherche de ce liquide si précieux à la vie. Trois cent dessins extraits de mes carnets, et que j’ai exécutés sous des formes variées aux outils multiples, qui vont du fusain au stylo à bille. Trois cent dessins choisis parmi près de mille déjà dessinés d’une aventure en séries qui s’achèvera bien augmentée d’autres séries, je l’espère, dans un peu plus d’un an et dans un musée quelque part vers les sources de la Drôme.
Pour tout vous dévoiler, d’abord à l’ombre du Glandasse puis dans lumière de mon atelier ou de mon bureau à Toulouse, pour finir en montage au Quai des Arts [+] à Cugnaux, je n’ai pas trop ouvert mes yeux sur le temps qui est passé ces derniers jours. Pour ainsi dire le terrible tumulte du Monde n’a pas trop percé ma bulle d’artiste et je peux vous confier dès son commencement que cette chronique n’absorbera dans son développement narratif que quelques lignes de ce temps si perturbé.

Et puis que raconter quand autour de nous le monde s’enfonce dans l’incertitude et l’horreur ?
Les ukrainiennes et les ukrainiens vivent un douzième et atroce jour de guerre. C’est toujours surréaliste ces guerres à travers les écrans. Aujourd’hui, et depuis longtemps à présent grâce à tout ce qui entoure la technologie dite IP, les écrans sont devenus interactifs et du coup tout le monde y va de son avis. Ne soyez pas rassuré·e·s je ne suis pas sûr de savoir m’extraire de cette stupide sarabande. Pour beaucoup d’entre vous qui ne partagent pas toujours mes idées, je dois déblatérer autant d’imbécillités que toutes et tous les m’dames Michu du village mondial. Alors oui, il y a la guerre, une sale guerre, toutes les guerres sont sales parce qu’elles tuent tout simplement. Il y a donc l’Ukraine évidemment martyre d’un sanglant dictateur voisin et impérialiste soutenu apparemment par une majorité de sa population mais surtout par l’effet de la masse silencieuse, appliquant l’idée doctrinaire d’Eurasisme dont on peut retrouver la description dans un vieil article du Monde Diplomatique, ici en ligne et par ce lien [+]. Que dire de plus. Que faire de plus que d’exprimer son empathie pour nos sœurs et nos frères humain·e·s qui souffrent sous les bombes en Ukraine, d’exprimer son empathie avec toutes ces personnes, ces familles jetées sur les routes de l’exil et du désespoir. Que faire de plus que d’affirmer sa solidarité avec celles et ceux en Russie qui emplissent déjà les prisons, six mille il y a deux jours d’après cet article de Reporterre vers lequel vous pourrez avoir accès en suivant ce lien [+], apparement plus de dix mille hier soir dimanche, toutes ces opposantes et tous ces opposants journalistes, artistes, ou simplement citoyen·ne·s qui risquent plus d’une décennie de bagne pour avoir exprimé leur attachement à la paix et leur opposition au dictateur paranoïaque. Je trouve l’article d’un blog du Monde Diplomatique ici en lien [+] tristement symptomatique de l’affaire de journalistes Russe qui ne peuvent rien dire d’autre que la description des horreurs de la guerre.

Pour le coup, dans une perspective douteuse et approximative, je partage ici un article d’un blog énervé et libertaire du côté de Perpignan qui nous amène entre Ukraine et Catalogne, et dont voici le lien [+] afin que vous puissiez le lire.
Ainsi à parler de libertaire, cela me donne une occasion de faire un enchaînement bien hasardeux, comme je vous le disais déjà la semaine dernière, cette brutale guerre en Ukraine me rappelle à la mémoire la pensée et l’action de Nestor Makhno évidemment, mais aussi de la révolutionnaire Maria Nikiforava, plus connue sous le nom de Maroussia [+]. Et je me dis qu’il reste un espoir face à cet océan de nationalismes, surtout dans cette « tradition » de l’autogestion libertaire, des communautés anarchistes se mettent en place dans ce pays violemment agressé, un peu comme cela s’était constitué au Rojava, sur le territoire Kurde en Syrie, je vous laisse ici le lien [+] en rappel de l’histoire.
C’est faible et très ténu, mais c’est une lueur dans le noir. C’est à lire dans le fameux média en ligne de gauche libertaire « Nantes Révoltée » en suivant ce lien [+] vers l’article. On retrouvera aussi sur ce média une analyse à chaud du conflit et du point de vue libertaire évidemment que l’on peut lire en suivant cet autre lien [+].

Alors que sur AOC, un autre média indépendant mais bien moins doctrinaire, on peut lire que l’engagement de la population ukrainienne face à l’invasion Poutinienne devient une véritable mobilisation citoyenne, comme une irrésistible lame de fond. Là aussi on peut y voir une lueur. On pourra peut-être émettre un bémol en observant les appartenances de classe de cet engagement plutôt diplômé·e·s supérieur·e·s, mais pas forcément de catégories sociales supérieures, c’est donc à lire sur AOC en lien [+].
Il nous reste évidemment la bassesse humaine qui bat son plein avec le racisme ordinaire et décomplexé partout en Europe, et à cause de laquelle les hommes, les femmes ainsi que les enfants réfugié·e·s en viennent à être trié·e·s par couleur de peau et autre origines ethniques, à lire sur la Relève et la Peste à travers ce lien [+].
Pour moi, ce sera tout de même et toujours un énorme non aux nationalismes rances !

Ensuite il faudra au Monde la force de sortir de toutes ces émotions, revoir la copie, revenir aux racines du mal et surtout revenir à de justes négociations comme le disait déjà il y a presque un mois Bernie Sanders, redoutant l’invasion à venir, devant le sénat américain, dont vous pouvez lire la teneur en lien [+] sur le Club Médiapart.
Dire que le projet européen s’étendant à l’Est aurait pu être un projet de paix et de désarmement, que l’OTAN aurait dû être dissout en même temps que le Pacte de Varsovie, après la chute du mur de Berlin, on en est loin aujourd’hui, on en voit les conséquences. Le complexe militaro-industriel, un des piliers du capitalisme mondial, reste totalement omnipotent, on aura du mal à l’abattre, que ce soit en Europe comme en Chine, aux USA ou encore en Russie.

Pendant ce temps là la Terre des hommes et des femmes voit réduire son espérance de vie, tout le monde se fiche du dernier rapport du GIEC qui est de plus en plus catastrophique et dont vous pourrez lire un résumé très succinct par ce lien [+]. Alors je ne suis pas fervent collapsologue, ni adepte de la collapsologie inéluctable, mais tout de même il a a plus que de fortes probabilités pour que les milliers de mètres-cubes de kérosène et d’explosifs issus de la chimie et cramés dans cette guerre accélèrent notre vitesse vers le mur de fin de notre civilisation du pétrole d’une façon ou d’une autre. Tout comme les appels court-termistes au renforcement de l’agrochimie pour faire face à la pénurie annoncée de denrées céréalières et autres dues aux blocus conforteront le portefeuille des un·e·s au détriment de la vie des autres. Une réflexion générale du point de vue de l’écologie sur ce terrible conflit, un point de vue qui commence à se développer comme dans cet article que j’ai déniché aussi dans le magazine en ligne Reporterre dont voici le lien [+].

Alors dans ces conditions guerrières, la campagne pour les élections présidentielles de la république française est passée en mode d’arrière plan, avec des conséquences assez imprévues. On se demande comment les candidats d’extrême-droite et de la droite conservatrice vont pouvoir financer leurs campagnes sans l’apport d’argent frais et sale en provenance des contreforts de l’Oural. Ce qui laisse la droite libérale actuellement au pouvoir les clefs d’un nouveau mandat qui ne pourraient être chapardées que par une gauche de combat social et de grande valeur intellectuelle.
Sauf que le jeux trouble électoraliste des candidats verts et sociaux-démocrates contre celui du Rassemblement Populaire, l’accusant de soutenir Poutine et son régime fonctionne à plein tubes. Alors que le candidat de la France Insoumise à la prochaine élection présidentielle soutient depuis toujours les opposants au dictateur russe, d’abord en la personne d’Oudaltsov. Puis lorsque ce dernier s’est allié à Poutine dans la guerre, il s’est rapproché d’Alexey Sakhnin. Et surtout il est le seul en France à avoir une vision sensée et responsable de l’affaire Ukrainienne, comme sur ce qui concerne la sécurité et la coopération en Europe. Les ficelles de l’accusation sont grossières mais ça fonctionne bien sur un électorat bourgeois qui se dit de gauche et qui rêvait de la candidature d’une ancienne garde des sceaux. Électorat déçu qui abhorre le député des Bouches du Rhône comme leurs ancêtres d’avant 1914 abhorraient un fameux député du Tarn nommé Jean Jaurès, finissant par préférer mêler leurs voix aux nationalistes belliqueux plutôt qu’aux courageuses et courageux internationalistes et pacifistes de l’époque. On connait à présent les conséquences sur l’histoire du XXe siècle.
Du coup il m’est avis que rien n’y fera, surtout dans cette gauche bourgeoise, j’en connais personnellement plus d’une paire, le « Mélenchon bashing » est aussi sacré que le sport cynégétique chez les thuriféraires des parties de chasse du dimanche. Ce qui m’a paru extrêmement symptomatique de cette attitude totalement irraisonnée dernièrement, c’est cet humoriste assez iconoclaste que j’aime bien par ailleurs qui disait, dans une belle diatribe sur les candidates et candidats à la magistrature suprême de la république, aimer et adhérer au programme du candidat insoumis, adhérer à tout ce qu’il disait, adhérer aussi à toute ses actions, mais que le problème était le personnage lui-même. Ce qui me reste incompréhensible tant on voit à quel point le programme proposé par cette force de gauche est collectif et cohérent dans sa volonté d’abattre ce régime de royauté présidentielle et de culte de la personnalité induit par le fonctionnement délétère de cette Ve république en cours.
Je ne convaincrai donc aucun des « abhorateurs » de cet homme politique, mais je propose tout de même de retrouver ce député candidat à la présidence de la république en cliquant sur le lien [+] menant à son blog, peut-être pourront-ils ou pourront-elles exprimer leur aversion en connaissance de cause, sans passer par les filtres déformants de l’information de masse.

Hier soir, j’ai eu une discussion très intéressante avec un ami très cher, nous avons un peu (beaucoup !) assommé les autres convives du tour de table par la confrontation de nos points de vue exaltés sur la situation, mais surtout sur les niveaux de prises de décisions à mettre en œuvre dans le tumulte du village mondial… J’avoue que je n’ai aucune solution à donner sur quoi que ce soit. Je ne vois le monde qu’à partir des biais cognitifs de l’artiste que je suis .
Dans cette logique la guerre qui explose sous nos yeux est évidemment aussi une catastrophe du point de vue culturel et artistique. Je ne vous cache pas d’être effrayé à voir fleurir de partout ces stupidités du quotidien, comme quand certains pays ou grosses institutions décident de ne plus jouer des pièces théâtre ou de musiques russes, et à l’inverse de ne plus jouer du Beethoven ou du Liszt en Russie.
À travers tout cela on ne peut que saluer la décision du chef d’orchestre Tugan Sokhiev de démissionner à la fois de ses fonctions au cœur de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse et du Bolchoï à Moscou comme il l’a dit : « – Tant à Toulouse qu’au Théâtre Bolchoï, j’ai régulièrement invité des chanteurs et des chefs d’orchestre ukrainiens. Nous ne pensions même pas à nos nationalités. Nous prenions plaisir à faire de la musique ensemble », comme on peut le lire, ainsi que toutes ses autres motivations en vous rendant sur le magazine en ligne ResMusica par ce lien [+].
Il faut dire que dans la droite ligne des réactions stupides du moment, l’édile suprême de la Ville rose lui avait instamment demandé de se positionner et de, je cite notre joyeux Tartarin toulousain se prenant pour un milanais : « – S’exprimer auprès des Toulousains sur la situation actuelle »… Sokhiev l’a fait avec panache je l’avoue, alors qu’à l’inverse de Valery Gergiev, chef d’orchestre de la Scala de Milan fraichement débarqué (voir ce lien [+]), il n’est pas un proche du sieur Poutine.
Et puis dans cette imbécilité, faudra-t-il rappeler que l’on ne peut plus compter les russes qui ont justement compté·e·s dans l’histoire de l’art, dans la littérature, dans la danse, dans la musique, au cinéma, dans tous les arts plastiques hier comme aujourd’hui. Tous ces artistes ne peuvent décemment être mises et mis sur la touche parce qu’un dictateur décide d’entraîner son pays dans la guerre. Il faut au contraire soutenir la diffusion de l’art et des artistes qui le font vivant·e·s comme faisant partie de l’histoire, qu’ils ou qu’elles soient russes comme ukrainiennes et ukrainiens.
Et je sais que la solidarité entre artistes existe déjà, à l’image de ce collectif de cinéastes russes qui expriment leurs soutiens aux artistes et au peuple ukrainien malgré les risques qu’ils encourent, on peut retrouver cette information en suivant ce lien [+].

Et puis avant de finir cette j’aurais aussi du mal à passer sous silence ces pratiques qui sont au cœur du marché de l’art contemporain, avec toutes ces nauséeuses spéculations bien trop souvent financées par du blanchiment d’argent, évidemment bien souvent aussi issu de la fameuse oligarchie russe depuis un moment comme on peut le lire en lien [+] dans un article déjà ancien du Journal des Arts. N’oublions pas que le nerf de la guerre même artistique reste l’argent et que ce marché, qui est loin d’être le mien, reste un parangon du capitalisme mondial et mortifère. L’argent n’a pas d’odeur dit-on, en art c’est bien malheureusement prégnant.
En tout cas tant qu’il il aura une odeur de poudre, on pourra continuer à voir la guerre à travers la lorgnette artistique. Vous pouvez en avoir un petit aperçu en suivant ce lien [+] vers un article en ligne de Beaux-Arts Magazine. Tout un·e chacun·e constatera aussi que l’art peut être une arme au sens propre autant que figuré comme à Kiev, pardon il faut écrire Kyiv à présent, avec cet artiste qui met sa pratique au service de la défense de la ville en créant et fabricant des dispositifs anti-chars à lire (en anglais) en suivant ce lien [+].

Voilà, sur ces quelques lignes mitigées entre espoir et désespoir, je vais vous quitter. Je vous laisse tout de même avec un vieux dessin à l’encre sur papier extrait d’une série que j’avais présentée (entre autres gribouillages grimaçants) il y a déjà 35 ans dans le cadre d’une exposition bien nommée « Les irradiés de Tchernobyl », des dessins que l’on retrouvera dans le prochain numéro de « PAF, le fanzine des vieux » de la Radio FMR » [+]. À l’époque, malgré dix ans de « No Future », cela restait le temps des illusions bienheureuses… Restons utopistes et reprenons vite ce chemin. Je souhaite au Monde des prochaines journées où l’espoir pourra refleurir sous le Soleil et vous dis à la semaine prochaine.

Espèce - Espace 2, dessin de Philippe Pitet - Encre sur papier 1986
Dessin, encre sur papier de la série « Espèce-Espace » – 1986

La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…

PhP

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§ Une réponse à 07.03.2022 – Chronique du lundi

  • Joël Hamm dit :

    Je vois que nous avons les mêmes lectures et des tendances politiques assez proches… ça fait plaisir de savoir que d’autres pensent comme nous. Bonne semaine.

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