11.04.2022 – Chronique du lundi

11 avril 2022 § 3 Commentaires

W.G.F.A.

Et donc ça y est : ce qui devait arriver, vient d’arriver… Je ne vais pas m’appesantir plus que cela. Les espoirs et les conjectures de derniers moments n’y ont rien fait. La messe est dite ainsi que le ferait remarquer un dicton populaire. Nous sommes le lundi 11 avril 2022, pour moi au moment où je rédige ces premières lignes, loin d’avoir le sourire aux lèvres, il est près de 6h du matin. Je vous souhaite quoiqu’il en soit une chaleureuse bienvenue dans ma chronique de ce lundi.

La semaine dernière j’étais énervé et je vous disais que je le serais sûrement encore plus aujourd’hui. En fait, et voilà qui m’étonne moi-même, je suis peu énervé, juste fatigué. C’est comme une espèce d’épuisement incroyable, mais je ne suis pas plus énervé que ça.

Plus en amont, il y a quelques semaines, comme je le fais régulièrement depuis que je compose ces chroniques du lundi, je vous avais encore une nouvelle fois expliqué mon processus d’écriture de celles-ci. Une écriture qui se déroule tout au long des journées de lundi.
Je commence tôt pour la finir tard.
J’avais dit, comme d’autres fois, à quel point mon activité du jour allait perturber ma capacité narrative. Aujourd’hui c’est un peu la même comme on dit, la chronique sera brève. J’avoue que la lassitude de voir tant de stupidité s’être exercée ces derniers jours et particulièrement hier soir a fini par achever cette dite capacité narrative.

il ne faut pas se leurrer, je me réveille avec une nouvelle touche d’amertume au fond de ma bouche. Il y a de l’amertume, mais je ne suis pas amer. Pour être précis, même si j’avais un tout petit espoir de voir le candidat de l’Union Populaire passer le premier tour devant la candidate du front national lors de ces élections présidentielles en cours, après toutes ces attaques ad nauseam je m’imaginais tout de même un score plus faible pour les forces de l’espoir. Contre toutes mes attente dépressives je trouve les résultats d’hier inespérés. Ils peuvent faire dynamique pour la suite, soyons réellement optimistes et combatifs autant que combatives !

Alors oui, ce score n’est qu’un cinquième de l’expression électorale qui rapportée à la masse potentielle des électrices et électeurs inscrit·e·s sur les listes électorales ne fait que 12 %, et encore moins par rapport à la population française. Mais somme toute le président qui sera élu au second tour sans nul doute le sera avec l’approbation au premier de moins d’un quart des suffrages exprimés par ses électeurs et électrices, ce qui ne fait à peine qu’un peu plus de 14 % du corps électoral du pays qu’il va diriger 5 nouvelles années et évidemment finir de dépecer.

Comme quoi à l’heure du petit déjeuner je confirme tout ce qui m’a toujours été évident : les élections de type vote majoritaire à deux tours sont vraiment l’expression d’une démocratie inachevée et ne représentent rien du point de vue de la légitimité représentative. Si ce n’est que de perpétuer encore et encore un ordre établi par le bloc bourgeois dans une illusion égalitaire qui ne fait que ressortir de terribles ressentiments élections après élections.
L’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite au pouvoir fait peur à tout le monde sauf à celles et ceux qui ont les cordons de la bourse. Et tant que les institutions seront celles du moment il y aura toujours une forte probabilité que les adeptes des solutions fortes et finales arrivent à la tête de l’état. État qui est déjà fortement gangréné par de bataillons de nervis à la solde de ces hideuses idéologies.

Pour ma part il y a cette immense peine de voir que même au pays de Jaurès l’extrême-droite mène le jeux. Hier matin quand je suis parti de la Ville rose vers mon village au cœur du Pays de Cocagne pour voter, et oui je suis encore inscrit là où j’aime voir pleurer les saules et où quelques pinceaux m’attendent toujours, hier matin donc arrivé sur la crête de colline en haut du village de Giroussens filant vers Briatexte loin en contre-bas sur les bords du Dadou, j’ai aperçu à l’horizon découpé dans un azur si parfait la blanche et majestueuse ligne des sommets pyrénéens embrassant la ligne bleu sombre de la Montagne Noire dans un goulu et merveilleux baiser. Les collines étaient parsemées des fleurs jaunes du pastel et du colza, les larmes me sont montées et je pensais déjà à l’issue inéluctable de ce vote qui volerait ces images inégalables à mes enfants et petits-enfants de la terre entière.

Je change de lyrisme pour entrer en aparté dans cette Chronique que je reprends en fin d’après-midi, je ne vais pas me priver de fustiger les réactions débiles que je vois passer et que j’entends depuis ce matin. À l’évidence les idiotes et les idiots utiles que sont les intellectuels autant que les intellectuelles avisé·e·s de comptoir de commerces et d’éditoriaux de l’information respectable n’ont pas compris grand chose à l’affaire. Il y a beaucoup de réactions et de réflexions qui sortent de partout et peu d’intelligence. Et même beaucoup de mes ami·e·s qui naviguent malheureusement, bien souvent sans s’en rendre compte, dans les eaux troubles à la gauche du bloc bourgeois théorisent dans des posts rageurs et imbéciles sur le pourquoi du comment, un peu partout sur les plateformes de micro-blogging et autres médias sociaux, des imbécillités que régurgitent leurs inconscients manipulés à l’aune de la presse du bloc bourgeois.

Assez bizarrement et aussi contre toute attente (quoi que !), c’est plutôt du côté des artistes visuels et de mon écosystème que je remarque le plus d’intelligence dans la préhension de la situation, même parfois si leurs réactions peuvent être véhémentes voire empreintes d’un désespéré humour. Je dis merci à plusieurs de ces personnes pour leurs engagements forts et fort bien à propos. Je ne citerai que les plus proches de ma pensée du moment (entre-autres) comme Manuel Pomar [+], Victoria Klotz [+], Stéphane Arcas [+] et évidemment celle que je chéris entre toutes et tous mon adorable compagne la photographe Thérèse Pitte [+].
Je ne vais pas trop parler d’art ni d’artistes aujourd’hui et j’avais envie de citer celles et ceux là, voilà qui tombe bien à propos.

Ensuite, il ne faut pas se voiler la face non plus, car bien installés depuis des années, le parti de l’extrême-droite et sa candidate ont fait une campagne de proximité à bas bruit. Allant à la rencontre des populations désemparées par la convergence d’une angoisse réelle d’un quotidien qui se dégrade à vue d’œil et d’un abrutissement de masse à cause de plus de sept décennies de divertissements débiles, d’infos divertissements, d’exploits sportifs télévisés, de propagande publicitaire pour la consommation à outrance, liste non exhaustive. En parlant de consommation je vous conseille de lire un article sur le magazine en ligne Reporterre qui nous parle de ces fameux ressorts cachés de la surconsommation, ici en lien [+].

Du point de vue des forces nouvelles en présence, la France Insoumise a compris un peu sur le tard le processus, les zones interlopes de l’Hexagone dite périphérique puis les quartiers dits populaires n’ont été abordés pour les unes qu’avec l’avènement du mouvement des Gilets Jaunes, et pour les autres il y a à peine quelques semaines grâce surtout à des ami·e·s autant courageuses que courageux de collectifs et associations des quartiers populaires qui avaient lancé cet appel « On s’en mêle », histoire à retrouver sur le Bondy Blog en suivant ce lien [+]. L’une comme l’autre ont eu la méfiance de la personne draguée par quelqu’un que la rumeur publique entretenue désigne comme extrêmement dangereuse. Ça n’a pas été facile d’intégrer ces éléments dans l’Union Populaire j’imagine.

Alors bien sûr, j’avais bien vu qu’en 2017, dans les terres que l’extrême-droite rêvait de conquérir, le Tarn par exemple, les seules et les seuls qui bataillaient dur sur le terrain face aux rhétoriques racistes et démagogiques des fascistes étaient les militant·e·s de la France Insoumise. Pas une et pas un autre militant de la belle gôôôche qui avait déjà vendu son âme à celui qui allait devenir président et dépecer le pays comme une vulgaire poularde…
Si, soyons honnêtes : ce qui restait de l’armée communiste en lambeaux était là, mais elle était l’alliée de l’Insoumission. Ces stupides ont voulu refaire l’histoire. On voit où nous en sommes à présent.
Or donc il y a eu des combats sur le terrain en 2017 dans ces zones blanches périphériques où tout espoir a abandonné celles et ceux qui s’y sentent en survie. Les forces de progrès ne s’y sont pas implantées et ont laissé pousser les graines de l’exclusion, du ressenti, voire de la haine. Car du côté sombre de la force tout était prêt pour répondre à l’angoisse du lendemain à grand coup de pogromes.

À mon très humble avis d’artiste qui n’aura jamais de retraite, je pense que la grande difficulté sera de rappeler que les quartiers populaires de villes avec une population racisée par le pouvoir du bloc bourgeois ne sont pas les ennemies des populations en déshérence angoissée des périphéries exclues par le même pouvoir.
Vaste programme et dure tâche face aux rouleaux compresseurs de la désinformation crapuleuse qui s’oppose de toutes ces forces à cette salutaire jonction.
Surtout dans notre monde atomisé, surtout aussi avec l’action future d’un gouvernement qui n’aura de cesse que de paupériser et esclavagiser une population désunie au profit d’une poignée de privilégié·e·s.
Je veux dire tout de même ici que je peux me tromper de futur, je ne suis pas un oracle. Et j’espère réellement que nous puissions toutes et tous sortir de la dystopie promise.
Cet espoir est bien dans la dynamique que j’écrivais ce matin en introduction de cette chronique. Elle est tout de même là. Elle est bien là, inespérée et profonde. La jeunesse, les quartiers donc, mais aussi beaucoup d’autres signes sont autant d’éléments auxquels on peut croire et dès les législatives qui arrivent. Il suffirait que le débat se déplace sur les réels enjeux de notre futur proche pour que des personnes désespérées à voter pour l’extrême droite sortent de leurs peurs. Et que l’on ne vienne pas me dire que les extrêmes se rejoignent, c’est le discours le plus stupide que l’on puisse entendre en ce moment.

Voilà, je ne vais pas me faire tellement plus long dans cette chronique, nous sommes déjà presque à l’heure de l’apéro et je n’y aurai pas écrit grand chose. Je n’y aurai pas parlé d’art. Et j’ai encore beaucoup de pain sur la planche pour subsister un peu.
Juste à vous dire encore que rien n’est forcément (mal) écrit même si selon le GIEC nous n’avons que 3 ans pour agir, la faible lueur des législatives reste encore allumée. Et puis sinon il y aura la rue, les pavés et encore une violence qui aurait pu être évitée. Vue l’urgence écologique et sociale, dans ces élections nous aurions dû porter le rêve d’un deuxième tour de ces élections présidentielles en cours où l’écologie sociale (ou je ne sais quel nom donner, je ne suis qu’un pauvre artiste, pas un grand penseur politologue) aurait pu se confronter au moins dans un débat face au capitalisme libéral et destructeur.

Le plus épouvantable est arrivé, ce débat n’aura pas lieu. Les gentils gens de la gôôôche bien pensante n’en ont pas voulu en retournant la situation à l’avantage de leurs aveuglements mortifères puisqu’il paraitrait que ce qui rassemble les jeunes et les quartiers populaires ne serait qu’un élément de discorde parce qu’il peut se mettre en colère. Ils ont donc préféré envoyer la fasciste et le fascisateur au second tour pour paraphraser Frédéric Lordon dont je mets le lien vers son dernier article sur le Monde Diplomatique [+] pour rappel aux fâcheuses et aux fâcheux.
Et hélas comme beaucoup, je ne ne voterai pas au second tour. Mais après tout je peux me regarder dans la glace sans rougir, ils ne me culpabiliseront pas. Par-contre, ce qui est sûr, c’est que je m’engagerai à fond pour des législatives où l’on pourra enfin parler du fond de notre avenir en commun.

Ainsi peut-être qu’après s’être fait maltraiter pendant cinq ans, les françaises et les français qui ont l’air aujourd’hui de vouloir passer à l’étage supérieur de la souffrance avec ce second tour délétère, auront-ils le sursaut en juin prochain de sauver leurs enfants du pire des futurs.
Et de toute façon en tant qu’artiste et comme toujours face à celles et ceux qui donnent des leçons, de par le langage de mon labeur quotidien, je serai là aux côtés de celles et ceux de tous horizons qui ont besoin d’interroger le monde à défaut de le comprendre.

Allez, là je vous laisse pour de bon avec un dessin sorti des cartons, qui dorment tranquillement à l’ombre de ces vieilles pierres tarnaises, un dessin qui a bien jauni qui me parait fort à propos. Je l’avais exécuté à l’été 1986, lors d’une soirée où il était question d’évoquer en quelques traits la pochette d’un album de rock’n’roll qui pouvait parler de ce que nous vivions à ce moment là… Je vous laisse deviner l’album et le groupe (plutôt sixties) ainsi que le pourquoi du comment.
Je vous souhaite une belle semaine tout de même et vous donne rendez-vous lundi prochain, même endroit, même heure. Adissiatz.

Won't get fooled Again - Dessin de Philippe Pitet 1986 Encre de Chine
WGFA, encre de chine sur papier cartonné – Nice 1986

La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…

PhP

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