13.06.2022 – Chronique du lundi

13 juin 2022 § 4 Commentaires

Droit dans le mur, le réflexe con c’est l’accélération !

Nous y voilà, une nouvelle journée s’annonce dans la sombre pénombre de notre chaud foyer toulousain. Thérèse [+] dort. Les enfants ne sont pas là. Toutes les fenêtres sont ouvertes afin de laisser entrer les courants d’airs salutaires et nécessaires face à la chaleur de la journée. L’orage qui a grondé a enfin percé les nuages pour faire tomber de délicieuses gouttes de cette pluie rafraîchissante que l’on n’attendait plus. Les rossignols exultent de joie dans un joyeux vacarme. Au loin le peu de circulation matinale sur les boulevards laisse entendre le tintamarre des perruches sauvages qui y ont squatté les platanes. Nous sommes lundi 13 juin 2022, il est 5h20 à ce moment précis où je me réveille et où je commence l’écriture de cette nouvelle Chronique du lundi. Je vous y souhaite une chaleureuse bienvenue à son bord.

Alors je ne vous cache pas qu’avant de m’être attelé à l’écriture des premières lignes de cette chronique je me suis précipité sur la lecture des résultats du premier tour des élections législatives de notre bonne République française. J’avoue me réjouir de ce que j’ai lu et vu. À l’instar de cette bise qui souffle à travers la fenêtre grande ouverte devant moi, un vent de fraîcheur souffle à travers les informations du matin.
Bien que nous soyons loin d’un miracle, enfin l’inéluctable et effroyable stupidité qui prévaut dans le paysage politique français semble s’effriter. Une stupidité à son comble surtout depuis l’avènement de ce Macronisme tout aussi débile que triomphant avec ses éléments de langage bien rodés comme nous le montre cette émission d’Arrêt sur image ici en lien [+], ça fait peur et réellement froid dans le dos tant j’ai l’impression de vivre parfois dans une fiction dystopique hollywoodienne.

De toute évidence et sans être pessimiste, nous ne sommes pas réellement dans un lendemain qui chante aussi bien que les oiseaux dans le jour naissant. Il faut rester serein mais raison garder [+] comme on dit.
L’extrême droite et ses idées nauséabondes qui se voudrait proche du peuple reste toujours extrêmement puissante dans ses 22, surtout dans ces zones où nous voyons monter des colères irrépressibles sans que rien ne soit fait pour faire triompher la raison, et bien au contraire où tout y est fait pour attiser la haine, seul exutoire à la douleur selon la doxa dominante [+] qui s’en sert comme l’assurance vie de son pouvoir.
Et puis du coup nous avons ces idées toutes aussi nauséeuses, qu’elles nous viennent du libéralisme ou du conservatisme et qui pérorent malgré les indéniables faits démontrant tous les jours leur incroyable puissance destructrice en France et à travers le monde. Comme pour exemple de leur saleté crasse : nous savons bien qu’à cause de cette religion de la croissance pilotée par le bloc bourgeois, le monde d’après (Covid) n’a pas eu lieu ainsi que le montre bien Amnesty dans son rapport annuel ici en lien [+].
Et évidemment pour compléter un tableau peu reluisant il y a toutes ces idiotes et tous ces idiots utiles d’une fausse gauche qui continuent à s’accrocher à leurs ridicules égos, quitte à détruire tout sur leur passage et écraser leurs copines et copains, surtout ici en Occitanie. Heureusement ce petit monde entre radicaux et socialos de droite s’est tout de même pris une tôle, c’est bien fait !

Alors bien sûr du coup rien n’est gagné, malgré cette éclaircie législative, surtout face aux tentatives crapuleuses du gouvernement pour minimiser scandaleusement le score de ses adversaires [+], mais ils ne sont pas à leur première forfaiture depuis plus de cinq ans.
Bien sûr aussi tout est est encore à faire. Et bien sûr, et toujours l’abstention (ou le non choix !) reste la première force politique en œuvre au cœur de la République française, et de loin. Et bien sûr enfin, ce type d’élection pour cette démocratie représentative est le pire des systèmes de choix de gouvernance, sauf pour le bloc bourgeois évidemment. Tout ceci me rappelle un article assez ancien du philosophe Bruno Bernardi, spécialiste de la philosophie politique et de Rousseau, qui comparait la représentation et la participation en politique, dans la revue La vie des idées ici en lien [+].

Bon voilà tout cela dit, le problème est que l’on n’a pas le choix. Et que le choix d’aujourd’hui est de choisir la façon la moins douloureuse de s’écraser contre le mur des turpitudes du capitalisme. Doit-on encore répéter que nous avons peu de temps devant nous pour réagir [+] ? Et que ce n’est pas le libéralisme qui nous sortira le cul des ronces [+]… Et puis quoi que l’on puisse dire, quoique le pessimisme puisse nous faire craindre : tout reste possible [+] !

Sur ce, le jour se lève, la pluie a cessé de tomber. Le soleil pointe son nez. La ville s’éveille aux bruits des véhicules qui démarrent sous nos fenêtre. Je vous laisse pour un moment. J’essayerai d’ici la fin de la journée d’immiscer quelques nouvelles lignes de cette chronique du jour dans les interstices d’un emploi du temps très chargé pour cette journée à l’heure naissante, mais que je sais déjà à l’avance être très longue. Peut-être d’ailleurs cette chronique sera bien moins prolixe que je ne pourrais le souhaiter. Je vous prie de m’en excuser à l’avance. Peut-être aujourd’hui finirais-je par mettre en forme quelques liens que j’ai trouvés ces derniers mois sur le web qui nous conduisent vers d’intéressantes (ou non !) idées et de chouettes (ou non !) informations…

Je reviens dans ces lignes et ces mots du jour. Entre ce midi et deux comme on aime bien le dire en français. Tout au long de la matinée je réfléchissais au statut de l’artiste que je suis. En fait, je vous en ai souvent parlé dans ces chroniques du lundi, j’ai pas mal milité pour un véritable statut des artistes plasticien·ne·s. Le soucis est évidemment statutaire. Car comme pour tous les autres artistes-auteur·e·s, qu’ils écrivent, qu’ils composent, qu’ils créent sous toute forme, nous avons besoin que soit clarifié comment en tant que travailleuses et travailleurs nous ayons accès à des revenus décents. Depuis des années, je me bats avec tant d’autres à travers des engagements militants au sein de syndicats (CAAP [+]) ou encore d’organisations sur le terrain des luttes ainsi que nous l’avons fait avec Art En Grève Occitanie [+]. Certains de ces combats ont été couronnés de petits succès comme l’inclusion de revenus qui étaient considérés annexes aux revenus principaux des artistes (auto-éditions, revenus d’ateliers, …). Sauf que toute notre activité d’artiste est conçue par la société comme une activité commerciale qui ne se rémunère qu’à l’aune des droits d’auteurs qu’elle pourrait générer. En l’occurrence pour les artistes plasticien·ne·s il s’agit essentiellement de la vente de leurs œuvres ou des droits de monstration, quand il ont la chance d’en percevoir.

Ainsi pour la plupart, que dis-je : l’écrasante majorité d’entre-nous, nous devons trouver d’autres revenus pour vivre un minimum dignement. C’est à dire, tout au long de notre vie trouver à travailler ailleurs que dans nos compétences, notre formation et nos savoir faire. C’est à dire aussi et surtout pour beaucoup faire des chantiers, des intérims ou la plonge afin de survivre et continuer recherches ou développement dans son activité réelle. En gros travailler le jour pour pouvoir travailler la nuit !
Comme le disait une amie artiste et néanmoins docteure en art (enfin je résume le titre !) : tout ceci est très « malaisant »…
Peut-être que le futur proche de notre condition, avant le salaire à vie cher à Bernard Friot [+], serait d’aller vers un système proche de l’intermittence [+]. Une affaire à suivre et pour laquelle militer.

Voilà je vous laisse encore un peu pour repartir dans mes chantiers. Fort heureusement je reste dans ces verts pâturages où l’artiste que je suis peut brouter sans indigestion, car il s’agit d’accompagner et d’aider d’autres artistes dans leurs parcours. Ce n’est pas l’usine, loin de là et je ne peux que remarquer que ce type de structures, celle dans laquelle je pâture, sont souvent créées par des artistes eux-mêmes, un peu comme les Artist-run spaces [+]. Du coup je reviendrai vous parler en fin d’après-midi de ce lundi qui me voit composer cette 87e Chronique du lundi. Je sais que cela ne vous parle pas vraiment car vous allez me lire ou m’écouter dans un autre espace temps que le mien. C’est un peu cela la magie du cerveau humain [+].

Ma journée de travailleur devant mon ordinateur touche à sa fin. La soirée s’annonce enfin. Mais tout à l’heure, pendant mon déjeuner sur le pouce j’ai abordé mon expérience et celles d’autres artistes plasticien·ne·s. Ce qui me ramène à une expérience récente qui m’a rappelé cette dure incompréhension de notre existence d’artiste contemporain par un environnement ad minima indifférent quand il n’est pas carrément hostile.
Cette expérience je vous la livre ainsi… Pas plus tard que ce weekend passé, avec le Collectif Imagerie de Combat [+], un collectif d’artistes plasticien·ne·s dont j’ai le plaisir de faire partie, nous avons exposé quelques multiples des artistes Sophie Marty Edward [+], Thérèse Pitte [+], Alex Less [+] et de moi-même. Des travaux qui se proposent de questionner l’image dans ses ressources et ses ressorts militants. Bref nous avions été invité·e·s à présenter ce boulot par un très sympathique café associatif La Maison Blanche [+] situé au plein cœur du très pittoresque quartier Arnaud-Bernard de Toulouse et géré par une armée de bénévoles. Comme je vous l’avais annoncé lors de mon dernier billet, une soirée de vernissage a donc été organisée samedi soir dernier. Hormis le vernissage à proprement parler, un concert avec des super rappeuses dont l’excellente Leonb1t [+] était à l’affiche.
Tout la soirée s’est passée de manière extrêmement charmante, dans la joie et la bonne humeur. Sauf que voilà, c’était chouette car notre condition d’artistes-auteur·e·s plasticien·ne·s nous a appris depuis des lustres à accepter sans mot dire le type de petit bémol où tout du long de la soirée, à part un verre d’eau lors de l’accrochage rien ne nous a été proposé, pas même une collation qui étaient réservées aux musicien·ne·s. Évidemment aucun droit de monstration, ou un peu de budget de production ne nous avait été alloué, peut-être pensé du bout des lèvres un temps ce dernier aussi été aussi vite oublié que l’évocation en fut lancée. Mais cela nous l’avions accepté bien à l’avance car nous avons voulu faire de cette exposition et cette rencontre avec le public, après ces tristes années Covid, un acte militant dans un café associatif militant, surtout la vieille d’une élection cruciale pour l’avenir.

Bref nous ne nous attendions pas à être les reines et rois de la fête, ce n’est pas notre propos. Comme nous le disons souvent « nous ne voulons pas mourir sur scène ». En effet, l’idée même de célébrité est assez étranger à un réel labeur dans nos paradigmes artistiques. Et puis nous laissons cela aux gens qui ont un ego assez surdimensionné pour vouloir être célèbre et avoir des rêves chromés qui brûlent les planches. Ainsi que l’on en rencontre beaucoup dans ces disciplines artistiques où la représentation verticale passe par le temps et l’espace donné d’une scène face à des spectateurs, avec pour extension la reprise (ou non !) de cet espace-temps dans le dramatique cirque des médias de masse. Nous ne regrettons absolument rien et le referons dès que nous devrons et pourrons le refaire, d’autant que pour ma part j’ai pu faire un peu de sensibilisation à notre condition.

En dehors de ce cadre de militantisme bien particulier, retomber dans ces espaces loin des circuits professionnels un minimum requis dans le milieu de la diffusion de l’art en général, ce qui est totalement étonnant ce n’est pas la réaction des hôtes qui exposent et qui imaginent souvent que ce qu’ils font est un acte inestimable pour la visibilité de l’artiste, c’est ce public qui n’a aucune idée de la réalité économique des arts visuels et plastiques ainsi que des artistes qui en sont le véritable moteur. Avec cette idée en filigrane qui voudrait que nous soyons riches de vivre de notre passion. Vous le savez à me lire, ce n’est pas mon opinion ni mon idée, je laisse la passion aux prêtres, ministres du cultes, guides spirituels tout autant que suprêmes ainsi que toute autre religieuse personne.
Il y a une réelle confusion de ce qu’est l’art et le labeur des artistes contemporain·e·s comme dans cet article hallucinant de la bible des cathos de gauche à propos des jeunes artistes, d’Instagram et du nouveau marché de l’art. Un article que vous pouvez trouver ici en lien [+], qui confond ce média social déjà en phase d’obsolescence et baguette magique, un peu comme si tous les jeunes artistes roulaient sur l’or grâce à cette plateforme filiale de Meta (Facebook). En bref un bel exemple de la vacuité de la pensée journalistique en ce domaine, comme le faisait remarquer le syndicat d’artistes que je citais plus en amont dans cette chronique.

Quand on parle d’extrême vacuité en art on n’est pas loin des fameuses NFT, petite constatation que nous avons faite entre ami·e·s ce fameux samedi passé de présentation des travaux d’Imagerie de Combat. Souvenez-vous : les NFT avec l’Atelier TA [+] nous y avions pensé un temps, je vous en avais parlé dans plusieurs chroniques il y a plus d’un an. De fait et pour tout vous avouer l’expérience fut de courte durée voire tuée dans l’œuf, tant après réflexion ce type d’activité est loin de nos aspirations et des pratiques de diffusion de notre labeur. Il me suffit de vous donner en exemple les débilités de type BFM en lien ici [+] pour comprendre le fossé qui sépare l’artiste de ces stupidités.
Ceci dit les polémiques autour du marché de l’art n’ont pas besoin du numérique pour se déployer. Ainsi cette stupide affaire [+] qui oppose Maurizio Catelan [+] à Daniel Druet [+] et qui défraye le petit monde de l’art des stars ou de l’art de la spéculation à paillettes, dont on peut lire un résumé sur la Gazette de Drouot [+]. L’affaire jugée le 8 juillet prochain dans le sérail de ce petit monde digne des fameuses séries Dallas ou Dynasty, n’est pas faite pour améliorer la compréhension de notre réalité d’artistes « lumpenproletarien ».

Je vais clore ainsi ma chronique du jour dans la chaleur d’une canicule précoce qui dure et qui n’a pas l’air de vouloir s’arrêter, surtout avec ce plus que piètre bilan [+] sur le front de l’écologie de notre sémillant président, qui promet tout ne craignant aucun mensonge et fait l’inverse de ce qu’il avait promis. Mais avant de vous quitter je voulais juste rendre hommage à Jacques Villeglé [+], ce grand artiste qui nous a quitté il y a quelques jours le 6 juin dernier. Vous pourrez retrouver un sujet en lien [+] vers le site de l’INA qui parle de ce précurseur du nouveau réalisme et compagnon de route de Raymond Hains [+].

Voilà je vous laisse dans la chaleur du soir, dimanche prochain c’est la deuxième partie finale de ces élections législatives cruciales. Ne vous trompez pas de monde, même s’il continuera de tourner évidemment, mais dans la canicule et sans vie bien plus rapidement que nous pourrions le penser si nous le laissons le pouvoir aux sinistres libéraux qui nous gouvernent… Adissiatz amigas e amics

Travail de dessin fait dans le cadre du projet « Fassbinder – Laufende Arbeiten » avec Julie Pichavant et la Zart Compagnie, repris pour Imagerie de Combat.

La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…

PhP

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