04.01.2021 – Chronique du lundi

4 janvier 2021 § Poster un commentaire

Tout ceci comme dans une soixantième année…

Punaise, de nom de non comme le disait mon grand-père aviateur… Enfin, il disait plutôt macarel de noun de diou (graphie française je tiens à préciser pour celles et ceux qui lisent !), nous avons passé le cap… Nous sommes le lundi 4 janvier 2021, à l’aube d’une nouvelle année… Me voilà donc entamer ma 60e année de vie. Pour tout vous avouer : ça me donne parfois le vertige.

Ceci dit, amies auditrices, amis auditeurs, internautes de tous bords bonjour, et bien sûr : bonne nouvelle année !
Vous êtes bien à l’écoute de la Radio FMR [+] à Toulouse sur le 89.1Mhz de la bande FM à Toulouse ou sur le net [+] trois w point radio tiret fmr point net. Vous nous écoutez sur le DAB (désolé je n’ai pas encore eu le temps de me renseigner comment !), et vous me lisez aussi sur https deux points Philippe Pitet (sans espace) point com rubrique « La Chroniques du lundi » [+].
Sur ces indications techniques je vous promets je ne ferai pas mon Ouin-Ouin à parler de mon (presque) grand âge ! Je vous entretiendrai plutôt et rapidement pour une courte chronique du lundi sur les chapeaux de roues de la condition des artistes, les vrai·e·s : celles et ceux qui créent…

Je vous avais laissé la semaine dernière, dernière chronique du lundi pour l’année 2020, sur un ton de chronique colérique et presque désabusée.
Je l’avoue.
Si je devais me cantonner à cette actualité, qui de fait ne change pas tellement de dramaturgie, je serais encore plus désabusé. C’est bien parce qu’il faut prendre du recul et que les choses n’ont que l’importance qu’on leur donne, célèbre citation attribuée à plusieurs personnes connues dont André Gide, qu’il faut sortir de ces colères réactives (bien souvent légitimes) pour aller vers la réflexion et la force de proposition.
C’est d’autant plus essentiel que les femmes et les hommes politiques, ainsi que et surtout toutes (ou presque fort heureusement !) celles et ceux qui font l’administration de leurs politiques publiques, sont devenu·e·s totalement déconnecté·e·s de la vie réelle. La gestion surréelle de la crise pandémique en est malheureusement une ultime preuve.

Et oui il est vrai que l’on peut légitimement pester quand on voit comment est traitée une pauvre rave party d’une jeunesse sacrifiée sur l’hôtel de la consommation face à des transports en commun sur-bondés par des travailleuses et travailleurs pour nourrir la bête économique. Comment ne pas s’insurger quand on constate des grands magasins archi-remplis, sans aucune règle de sûreté sanitaire applicable alors que nos galeries et des centre d’arts sont fermés malgré que tout soit prêt pour accueillir le public dans les meilleures conditions.
Laissons des centaines de personnes s’agglutiner dans un centre commercial pour apercevoir la nouvelle Miss France, soyons sûres et sûrs que le choix est fait par l’espèce déconnectée que forme l’aréopage de nos dirigeants: le profit à court terme et à base de tableurs Excel aux lignes et colonnes infinies. Si la vie réelle a des ressources limitées, la vie numérique au moins a l’heur de ne rencontrer aucun obstacle et surtout pas ce vulgaire obstacle qu’est la vie elle-même !

Comment faire revenir à la raison cette engeance décérébrée qui nous gouverne ? Comment faire sauter les verrous qui dirigent ce bateau ivre vers les horizons mortifères ?
Ces idiots qui, dernière blague et première de l’année avec les fameux 35 citoyennes et citoyens tiré·e·s au sort pour se prononcer sur la stratégie vaccinale face à la pandémie, confondent communication et action et s’auto-entretiennent dans des méthodes Coué. Ce pourrait être risible à se pisser dessus si le sérieux de l’affaire n’était, ni plus ni moins, la mise jeux de la survie de milliers d’individus. Ils sont en roue libre, sans frein, totalement stupides.
Seulement voilà, pouvons-nous décemment laisser faire, nous laisser gouverner par ce manque d’intelligence sans rien faire ? Voter peut-être et d’abord, voter bien surtout, que sais-je ? Je ne suis pas dans la tête des citoyennes et de citoyens ! Tout du moins faire entendre un peu la voix de la raison…

Peut-être qu’en ayant conscience de nos capacités à réfléchir le Monde, nous pourrions penser plus loin que notre condition d’artistes (là je parle de mes collègues et de moi-même !)
Il y a peu, des discussions ont animées nos groupes de réflexions informelles autour du statut des artistes plasticiennes et plasticiens au sein d’AEGO [+].
Du point de vue de notre position dans la société qui adore classifier et classer, nous sommes auteur·e·s, mais nous évoluons dans un écosystème bien particulier de l’art en compagnie d’enseignant·e·s et de travailleuses et travailleurs de l’art. Nous sommes même parfois tout cela à la fois !
Alors c’est vrai : souvent pour l’opinion générale nous n’existons pas ou presque, nous n’avons pas de statut réel, nous naviguons entre l’admiration et le rejet (comme si nous étions toutes et tous des Koons), et trop peu de gens connaissent notre condition.

En fait, le public connaît bien les actrices et les acteurs, les musiciennes et musiciens, les metteuses et les metteurs en scène, toutes ces personnes qui naviguent dans le monde des arts de la scène, des arts de la rue, du cirque, du cinéma, du spectacle et aussi (surtout) des industries culturelles qui occupent l’espace culturel. Tout ce monde est reconnu, il a un mode spécifique de gestion des emplois qu’ils occupent, l’intermittence n’est pas un statut en soi-même mais un régime spécifique d’assurance chômage qui assure aux intermittents et intermittentes du spectacle un revenu garanti même s’ils ne sont pas en période d’activité. Bien sûr obtenir ce statut, même si ce n’est pas un statut, ce n’est pas simple. Sauf que beaucoup en bénéficient et qu’il leur permet de toucher des indemnités chômage lors des périodes de vaches maigres sans avoir à justifier à tout moment la recherche d’un travail. Les bénéficiaires de ce qui n’est pas un statut sont musiciennes ou musiciens, comédiennes ou comédiens, metteuses ou metteurs en scène, monteuses ou monteurs, techniciennes ou techniciens son ou lumière, voire administratrices ou administrateurs, voire même encore comptables, la liste est loin d’être exhaustive. Toutes ces personnes sont souvent appelées artistes, pour la plupart ce sont des exécutant·e·s ou interprètes. Petit aparté pour exprimer loin de moi l’idée de les éloigner de la condition artistique, je ne me sens aucune légitimité à porter jugement sur qui est artiste et qui ne l’est pas, même si j’ai mon idée, mais je la garderai pour moi. Dans tous les cas, et nous l’avons vu récemment avec tous ces décès en cascade, la presse unanime encense le ou la formidable artiste que sont le grand comédien ou la chanteuse de variété, et vice-versa, qui viennent de passer de vie à trépas.
Bref, ce que je veux dire, sans aucune forme de procès, c’est que le public connaît mieux les interprètes que ceux qui créent ce qui est interprété.
Alors oui, il faut être honnête, dans l’industrie du divertissement et/ou du spectacle, qui rentrent souvent dans le champ lexical de la culture artistique, les créatrices et créateurs bénéficient fréquemment du même « ce qui n’est pas un statut » que les autres protagonistes de ces filières de la culture.

Alors, à ce moment de ma chronique du lundi dont l’écriture s’étale en longueur dans une déjà sombre soirée d’hiver, l’ange de la positivité me chuchote à l’oreille : « – Mais enfin, il y a les droits d’auteurs et de diffusion, que fais-tu de tout cela ? »

Cher ange, que puis-je dire ? Ah oui…
Si le grand public connaît les actrices les acteurs ainsi que tou·te·s leurs comparses intermittent·e·s, il connaît aussi quelques écrivain·e·s ou quelques auteur·e·s de bandes-dessinées car celles-ci où ceux-ci sont souvent lié·e·s au monde de l’industrie du divertissement. Et leurs revenus en droit d’auteurs sont parfois importants, mais combien d’entre-eux et d’entre-elles crèvent la dalle parce que leurs ventes ou leurs diffusions ne sont que trop confidentielles ?
Sache cher ange de la positivité que les musiciennes et musiciens arrivent à vivre bien plus de leurs interprétations que de leurs créations et donc de leurs revenus de droits d’auteurs. Pour leur plus grande majorité c’est grâce à ce « non statut d’intermittence » qu’ils arrivent à vivre un minimum décemment dans notre bel Hexagone.
Je ne te parle même pas des auteur·e·s dramaturges ou encore des artistes plasticien·ne·s qui ont travaillé comme moi pour le spectacle dit vivant, soit sur des éléments de scénographie, soit sur des travaux de vidéographie… Toujours payé·e·s en cachets d’intermittents techniciens que nous ne sommes pas ou en quelconques prestations « one shot ».

Notre soucis en tant qu’artistes-auteur·e·s dans le domaine des arts visuels est que nous ne puisons nos revenus que dans les ventes d’œuvres, de droits d’auteurs et autres défraiements de coûts de productions, ou de quelques subsides bridés. Sinon ce sont des contrats de travail divers et variés de formations, de régies, ou autres exécutions de basses œuvres.
C’est surtout, à l’inverse de l’intermittence : pas de travail, pas de sous. Ce qui veut dire que nous sommes en permanence à la recherche du modèle économique pour le financement de notre temps de recherche et développement.

Je ne veux pas revenir sur mon (presque) grand âge avancé en début de chronique, mais je peux vous garantir qu’au bout de près de quatre décennies, c’est vraiment usant, sauf que la réflexion partagée autour de ces expériences nous amène enfin à explorer des choix et des actions qui peuvent nous permettre de faire levier sur les décideurs politiques qui oscillent certes entre crétinerie, escroquerie intellectuelle et stupidité pour beaucoup, mais soyons certain·e·s que ce monde n’est pas si noir.

C’est vrai et on le voit bien, le monde de la culture et de l’art est multiple, les forces qui le composent sont souvent divergentes et il semble difficile de les rendre compatibles dans ce combat commun qui se joue actuellement pour le maintien du savoir et de la diffusion au plus haut des préoccupations de nos sociétés.
Pour exemple : avec Art En Grève Occitanie lors de nos sorties l’an dernier, en solidarité aux travailleuses et travailleurs qui manifestaient contre l’inique réforme des retraites, nous avons passé notre temps à expliquer notre condition d’artiste-auteur·e plasticien·ne·s aux autres manifestants qui nous pensaient être des intermittentes et intermittents, intermittents et intermittentes qui n’ont eu de cesse que de nous piquer notre imagerie de combat du moment : le « Readyflag », qui n’appartient qu’à l’artiste Alexis Debeuf [+] basé à Caen et dont je vous ai déjà entretenu dans une précédente chronique du lundi.
Cet artiste nous a donné l’autorisation de réactiver son installation qui a déjà plus de 10 ans. La Coordination Précaires et Intermittents n’a pas réussi à comprendre ces subtilités, allant même jusqu’à nous soupçonner de vouloir jouer cavalier seul !
À travers ce petit et édifiant exemple on appréhende toutes les difficultés de compréhension. Il nous reste donc à prendre notre mal en force, cent fois sur le métier remettre nos ouvrages avec punch, pour finir par être convaincantes et convaincants dans nos médiations, ne rien laisser passer.
Et surtout aller au-delà de revendications qui nous sont propres pour amener vers une réflexion générale autour du salaire à vie ou salaire à la qualification personnelle… Je n’y reviendrai pas vous en ayant déjà entretenu dans une précédente chronique.

Enfin pour revenir à l’idée du début de cette chronique et d’être force de proposition, c’est à nous artistes des arts visuels, mais aussi toute notre filière puisque nous sommes totalement lié·e·s dans nos galères, de nous organiser aussi bien que les autres pour porter au mieux nos revendications, mais aussi et surtout les aspirations de l’ensemble de nos concitoyen·ne·s. Nous y travaillons !

Sur ces belles paroles je vous laisse car une fois encore le travail nous attend Thérèse [+] et moi… Des éditions des nouvelles séries de Chamanie [+] et Navatar (désolé de me répéter !) se préparent avec joie et bonne humeur. Et aussi je tiens à faire remarquer avec un peu de honte que je n’ai répondu à aucune question que je posais en début de chronique… Il me faudra donc encore revenir, si vous le voulez bien, enfin, non, si je le veux bien !
Et au fait, petite cerise sur le gâteau en parlant de Navatar et Chamanie, vous ne l’aviez peut-être pas vraiment encore écoutée, mais je vous livre à nouveau la fictions radiophonique que nous avions créée dans le cadre du dernier Été Photographique, du Centre d’Art et de Photo de Lectoure [+], avec nos excellents amis de Radio Fil de l’Eau [+] dans le Gers, entre Navatar et Chamanie – 1e saison
Pour les internautes qui lisez cet article appuyez sur la flèche de gauche dans le lecteur ci-dessous afin de lancer la lecture, pour les autres laissez vous pénétrer par le son tout simplement, et oui toujours ce double monde de la parole et de l’écrit !

Je réitère tous mes vœux de bonne année du début de chronique à toutes et tous et vous dis à très vite les ami·e·s

Carte de vœux de bonne année 2021 de Philippe Pitet artiste plasticien artiste visuel

– Janvier 2021 –

La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…

PhP

Voir les autres chroniques du lundi

Tagué :,

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Qu’est-ce que ceci ?

Vous lisez actuellement 04.01.2021 – Chronique du lundi à Philippe Pitet.

Méta