15.11.2021 – Chronique du lundi

15 novembre 2021 § Poster un commentaire

Comme un poisson dans l’eau trouble

À chacun de nos départs c’est avec une forte tristesse et de gros pincements que Thérèse [+] et moi laissons ces petites ruelles dioises derrière nous. Nous avons dû repartir hier soir de ces lieux enchanteurs après plusieurs jours d’activités intenses. Comme à chaque fois que nous quittons les bords de la Drôme, il nous tarde d’y revenir au plus vite.
Avant de me retrouver sur les bords de l’Atlantique à nouveau au Pays basque, ce qui n’est pas si mal tout de même, dans ce temps de transit toulousain alors que je vais encadrer pour quelques temps une formation de jeunes et moins jeunes artistes, et après cette longue introduction pour un très court texte, je vous souhaite bienvenue sur cette chronique du 15 novembre 2021.

Je vous annonce un très court texte car je n’aurai que peu d’instants pour rédiger mon exercice éditorial du jour, c’est à dire là, à l’heure où j’écris, entre 5h et 6h du matin.
Ensuite je n’aurai juste le temps que de le corriger et de le retravailler succinctement ce soir vers 21h afin de vous le livrer avant l’heure fatidique. Je ne pourrai pas y revenir tout au long de la journée comme à mon habitude. Parfois c’est aussi bien d’être court et précis, tout du moins d’essayer de l’être.

Pour tout vous dire, je l’avais préparée (cette chronique) hier soir sur l’asphalte et les aires des autoroutes traversées, lors de notre trajet de retour. Texte pensé ainsi dans une automobile, en ayant quelque peu la honte de vous avoir bassiné avec mon hostilité pour ce mode de transport il y a quelques chroniques… Alors que c’est bien un véhicule individuel mû par un moteur à explosion que j’ai conduit pour ce trajet, qui plus est dotée d’un moteur à explosion de type diesel… Nous ne sommes jamais à l’abri de ces contradictions paradoxales qui nous constituent. Et d’ailleurs Il y a plusieurs semaines si je vous contais l’aversion profonde que je voue à la voiture automobile, il existe une exception pour la 2cv [+], mais cela est une autre histoire. Car les histoires de ce jour tourneront assurément autour de notions écologiques.

En effet, de la sacro-sainte voiture et des énergies pour la propulser, il a dû en être fortement question dans cette fameuse 26e COP qui vient de s’achever. Une conférence de coopération pour nous éviter les pires des catastrophes environnementales qui était bien évidemment noyautée par toutes les forces de business qui n’ont rien à foutre des souffrances et des catastrophes, comme ces présences en masse de lobbyistes des industries de l’exploitation des énergies fossiles et nucléaires, à travers un niveau de « greenwashing » jamais atteint et totalement décomplexé [+]. L’allocution télévisée de campagne de notre président la semaine dernière est un bel exemple [+]. Voir l’énergie nucléaire érigée en énergie verte n’a rien de bien étonnant dans ce monde où les mots n’ont plus aucun sens, si ce n’est de manier ces fameux éléments de langage. Je me demande qui reste dupe de tout cela.

En parlant de mots et de leurs sens je fais ici un petit aparté pour dire tout le bien d’un chroniqueur de radio et télévision, une fois n’est pas coutume, en la personne de Clément Viktorovitch qui analyse bien le discours du président-candidat, analyse que je vous laisse en lien ici sur mon site [+]

Trêve d’aparté et revenons à nos moutons verts, il me semble qu’il ne nous reste que peu de moyens d’actions et de leviers pour nous, citoyen·ne·s, qui nous permettraient de faire bouger les lignes avant la catastrophe. J’ai l’impression que ce que les gouvernants aux cerveaux limités par la religion du capitalisme libéral vont essayer de nous fourguer sous le vocable : « radicalisation d’une partie de la jeunesse » n’est autre que l’activation de ces moyens d’actions mis en œuvres par des mouvements de type extinction rébellion. Plutôt que de gérer la catastrophe, de perdre leurs privilèges et de prévoir l’avenir pour tou·te·s, ils préféreront criminaliser les sursauts salutaires de survie. Alors oui face à l’inaction du monde du haut, le monde du bas peut être tenté par l’action directe comme l’expliquait déjà très bien un article du Monde Diplomatique il y a plus de deux ans et que je vous laisse en lien dans cette chronique [+].

Et ainsi à parler d’actions à mener pour la survie de notre espèce dans un environnement planétaire viable, pour rester sur des considérations écologiques, parce que toutes ses lignes éparses furent pensées en buvant des cafés d’autoroute et que je vous fais subir quelques transitions approximatives tout au long de cette chronique du jour, je vous conseille cet excellent guide pour faire échouer les projets contre-nature sur la boutique de la Relève et la Peste [+].
Car en effet, comme je vous le disais en amont de cet imprécis et grossier verbiage, la COP26 de Glasgow est arrivée à sa fin avec toutes ces promesses qui ne seront pas tenues et ses cohortes de lobbyistes de la civilisation du carbone et des ressources fossiles. Il y a fort à parier que la prochaine COP27 n’en sera sûrement pas moins décevante, et ainsi vont ces Conférences des Parties appelées trivialement COP, depuis bientôt un tiers de siècle [+].

Et je profite de cette porte grande ouverte sur les thèmes écologiques que j’approche aujourd’hui, vous l’aurez compris, pour me poser une question propre à mon activité d’artiste : les réflexions organiques au cœur des interrogations plastique du moment, sont-elles un effet de mode ou lame de fond ?
Je viens sur ce sujet car j’ai lu un très intéressant article à ce propos dans le site d’une association nommée Art Of Change 21 [+] qui se propose depuis 2014 de « relier l’art contemporain et les grands enjeux environnementaux et défend le rôle des artistes et de la créativité dans la transition écologique ». Je ne connaissais pas cette association et cette intéressante initiative à suivre. L’article en question est évidemment non exhaustif des actions actuelles, mais intéressant. Je vous le laisse en lien [+], nous devons nous dire que c’est un bon début de prise de conscience.
Je vous ai parlé de Giuseppe Penone dans une précédente chronique et de son travail qui considère l’homme dans son environnement. Je vous avais aussi parlé il y a plus longtemps de Joseph Beuys, du Land Art et de tous ces mouvement de l’art qui interrogent la place des êtres humain·e·s dans la nature qui l’entoure et le nourrit. Pour moi il est clair que ces réflexions qui traversent les champs de l’art ne sont pas aussi superficielles qu’un effet de mode, relire cet article assez ancien et assez exhaustif sur le sujet et sur Artspert [+].

En fait les quelques jours passés la semaine dernière en résidence de travail artistique dans notre cher Pays Diois est symptomatique de cette prise de conscience. Autant Thérèse qui explore les moindres recoins de ces espaces de l’eau en suspension dans nos mémoires que sont ces nuages qui s’accrochent à la montagne [+], autant mon travail qui questionne cette fameuse mémoire de l’eau à travers ses cours façonnés par l’impact des industries humaines, nous interrogeons respectivement ces sujets qui ont trait à notre environnement depuis de nombreuses années. Le fait que cela puisse recevoir un écho favorable de la part de diffuseurs de l’art quels qu’elles ou qu’ils soient est relativement satisfaisant, voire encourageant. Mais que le chemin est long tout autant que difficile pour que ces formes que nous produisons depuis tant de temps, au même titre qu’une multitude de boulots d’autres artistes qui s’aventurent dans l’exploration de ces paradigmes, ne soient pas uniquement considérées comme d’aimables et agréables objets de décoration.

Comme dit en début de chronique, je suis très court aujourd’hui. En effet, je dois vous quitter pour explorer d’autres univers plus terre à terre et alimentaires quoique fort intéressants entre Toulouse et Biarritz. Mais avant cela j’avais envie de vous parler de deux artistes pour finir cette 57e chronique du lundi, même si il n’est pas question directement d’interrogations écologiques chez eux. Et surtout je m’aperçois en rédigeant ces mots la bizarrerie de les associer. Ainsi sont faits les méandres de nos synapses, enfin des miennes pour le coup, toutes aussi impénétrables que certaines voies…

Hors donc oui pour commencer, j’avais envie de vous parler d’une artiste dont je trouve le travail assez remarquable, Christina Simandirakis [+] qui travaille la vidéo comme un journal du quotidien, manipule les images animées comme autant d’arrêts sur image d’une mémoire qui s’efface. Sincèrement son univers est remarquable. Elle diffuse beaucoup son travail sur le web, ce serait bien de voir ce labeur dans la vie réelle, avis aux diffuseurs de l’art qui dans des cas fort improbables me liraient…

Ensuite, voilà tellement longtemps que j’avais envie de l’évoquer tellement il fait partie de mon Panthéon des artistes qui furent mes grandes sources d’inspiration formelle, je veux parler du génial Derek Jarman [+], artiste, cinéaste, acteur, réalisateur et bien plus. Auteur d’un corpus créatif assez inclassable entre cinéma et peinture en passant par l ‘installation et le film expérimental. Je pense que beaucoup de créatrices et créateurs d’art vidéo lui doivent beaucoup depuis les années 70. Alors évidemment pour certain·e·s d’entre-vous qui le connaisent, vous vous souviendrez de son film culte manifeste punk « Jubilee » qu’il réalisa en 1977 et qui narre l’histoire d’un Royaume-Uni surréaliste dirigé par un producteur de musique mégalo après la fin de la monarchie. D’autres se souviendront de son engagement homosexuel et pour la cause gay.
Personnellement je reste accroché essentiellement à tout son travail en super 8, ses contemplations colorées et superpositions, ses cadrages, ses tremblements monochromes, ses brûlures assumées, tout ce qui m’a donné envie de faire et de produire des formes animées de l’image, comme par exemple ce film expérimental « A Journey to Avebury » [+] monté en 1971.
Les chanceuses autant que chanceux val-de-marnais pourront visiter une exposition qui lui est consacrée au CREDAC [+] à Ivry sur Seine. Cette exposition « Dead Souls Whisper » propose une perspective entre les fameux films Super 8 de Jarman produits au milieu des années 1970 et sa pratique de la peinture ou de l’installation à travers les œuvres qu’il a réalisée depuis le moment où il fut diagnostiqué séropositif en 1986 jusqu’à sa mort en février 1994. C’est visible jusqu’au 19 décembre 2021 et il y a des fois où je maudis les scientifiques de ne pas avoir encore inventé la télé-transportation !

En me relisant, je sais tout compte fait pourquoi j’ai mis une relation virtuelle entre Christina, Derek et les interrogations environnementales dans l’art comme dans la société.

Sur ce je termine ce texte…
Ma chronique fut courte mais mon amour reste intact !
Je vous laisse avec un de mes dessins de carnets du projet « Aiga – La cartographie sensible de l’eau (Jammalet) », qui date de quelques années déjà et que j’avais laissé tombé quelque part derrière un meuble du côté de notre nid douillet et Diois (que d’histoires !). Je vous souhaite une belle soirée et vous dis à lundi prochain.

Dessins au stylo de Philippe Pitet dans un carnet "Aiga - la cartographie sensible de l'eau" - Jammalet, Tarn - 2012
Dessins au stylo dans un carnet « Aiga – la cartographie sensible de l’eau », Jammalet, Tarn – 2012

La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…

PhP

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