18.07.2022 – Chronique du lundi
18 juillet 2022 § Poster un commentaire
Flamboyer ! Tout aussi simplement qu’honnêtement…
Nous voilà donc au fond de l’enfer au cœur de cette canicule qui ne finit pas de nous immerger dans la moiteur de nos sueurs. Il est à peine mi juillet, le 18 juillet 2022 pour être précis, tout est brûlant à l’heure où je commence l’écriture de cette nouvelle Chronique du lundi, 5h58 pour être encore plus précis. Le ventilateur ronronne. Aucun bruit ne transparaît de la rue écrasée de chaleur malgré les fenêtres grandes ouvertes. Chères lectrices, chers lecteurs, auditeurs et auditrices, chers internautes, je vous souhaite tout de même chaleureusement la bienvenue sur mes lignes estivales.
Comme la semaine dernière je ne vous cache pas que je la déroulerai dans un très léger exercice éditorial. Une écriture qui rend compte du temps qui passe sous mes yeux. Non qu’il ne s’y passe rien, mais l’été reste tout de même synonyme de débrayage. Enfin pour ma part je vous avoue que ce débrayage sera assez studieux entre organisation, dossiers ateliers et créations.
Et en effet dans un mouvement de saut de puce, Thérèse [+] et moi sommes de retour dans notre bonne vieille Ville rose qui a tourné au rouge vif et brûlant. Nous y sommes le temps d’un atelier « Combustonautes » aujourd’hui avec Combustible Numérique [+], l’autre Combustible [+] (si vous suivez mes affaires !) pour l’Été culturel 2022 [+] mis en place ici par la DRAC Occitanie [+].
Nous repartirons vers nos Alpes aux accents provençaux dès demain matin tôt, alors que nous revenons à peine d’un autre Été, l’Été Photographique de Lectoure [+] celui là.
Ainsi au cœur de cet effroyable été, j’aurais pu vous parler de ces milliers d’hectares de forêts et de garrigues qui brûlent à travers l’Europe et particulièrement ici dans le Sud de l’hexagone. J’aurais pu vous parler des milliers de mètres cubes d’eau déversés sur le route d’un futile Tour de France alors que l’on relâche des millions d’autres mètres cubes d’eau de nos réserves de retenues hydroélectriques pour garder nos fleuves à la hauteur des refroidissements de nos centrales nucléaires. J’aurais pu vous parler d’un gouvernement qui dans cette fournaise épuisante ne cesse de patauger dans l’obsession maladive d’éradiquer les pauvres plutôt que la pauvreté. Après cette longue séquence d’élections la chasse aux précaires est à-nouveau bien ouverte.
Mais voilà au détour de ces premiers périples de l’été je suis un peu las de tout cela, en parler est une chose, militer en est une autre. Quelle que soit la forme que ce militantisme puisse prendre. L’art est à coup sûr une de ces formes. Je n’ai qu’une seule envie : rester dans ces instants de bonheur qui nous ont bercés ces quatre derniers jours gersois, où l’on a pu voir flamboyer l’avenir.
Ainsi donc comme je viens de vous le narrer succinctement, une grande partie de la semaine passée nous étions à Lectoure, en plein cœur de la dernière ligne droite de mise en œuvre d’un événement phare de la saison culturelle estivale en Occitanie. Nous étions dans cette grosse bourgade du nord du Gers à l’invitation de Marie-Frédérique Hallin [+], directrice du Centre d’art et de photographie [+] et d’Émilie Flory [+], que Marie-Frédérique avait convié afin d’être la chef d’orchestre de l’édition 2022 de l’Été photographique [+].
Plus qu’une invitation à observer cet envers du décors qui compose ces derniers jours de préparation d’une exposition s’étalant à la dimension d’une petite ville, j’y ai eu le plaisir d’y animer une rencontre entre les artistes et le public se trouvant présentes autant que présent le jour du vernissage, samedi dernier. Je ne remercierai jamais assez Émilie et Marie-Frédérique pour cette merveilleuse invitation qui m’a permis de découvrir et de redécouvrir de superbes œuvres. Et au delà même de ces travaux présentés, j’ai pu rencontrer des artistes les plus adorables qu’il soit.
Le titre de cette édition 2022 du festival est bel et bien « Faire flamboyer l’avenir », car il est question ici de se confronter à des utopies constructives (ou non !) à travers les images que nous y rencontrons. Que ces utopies soient anciennes comme celles présentées à travers les œuvres de la regrettée Ouka Leele [+], d’Anna et Bernhard Blume [+], de Ian Wilson [+] ou encore des vidéogrammes de William Wegman [+], je vous rassure ce dernier est bien en vie, où qu’elles soient vivantes dans les plis cachés de notre monde. Un peu à l’image de l’image choisie pour l’affiche du festival. Une photographie dont la « construction » est due à Alexey Shylk [+], ce formidable jeune artiste biélorusse installé à Anvers, et que l’on retrouve en grand format présentée au Centre d’art. Je parle ici de construction de la photographie ou de l’image, terme que je préfère à fabrication, car même si tous les travaux présentés dans cette édition de l’Été photographique de Lectoure sont issus de processus de fabrication elles portent en elles la construction de la joyeuse diversité du monde dans lequel nous vivons. C’est la force de ces expositions mises en scène par Émilie Flory et génialement en perspective dans les quatre lieux de cette édition.
Une édition où l’on trouvera le très chouette boulot de Philippe Braquenier [+], photographe qui vit et travaille à Bruxelles, dont le processus de construction est une pratique autour de la documentation, et qui nous amène pour Lectoure sur les traces de cet étonnant univers des « platistes » [+] avec sa série « Earth Not A Globe ». Philippe qui dialogue parfaitement avec les soucoupes volantes du projet « The Skeptics » de David De Beyter [+], cet autre artiste bruxellois, tous deux nous font approcher en image les portes d’un monde complotiste sans jamais passer les portes de la condescendance.
Des portes que David Coste [+] avec sa « Rémanence futur » voudrait bien nous faire passer pour un envers de décors imaginaire et cinématographique peuplé d’affiches, de rochers et d’horizons aussi factices que populaires. David fait partie de ces formidables artistes contemporains qui ont encore le courage de vivre et de travailler à Toulouse.
De l’envers du décors que j’aime à parcourir lors des montages d’expositions où tout est tendu comme un fil prêt à rompre mais qui tient toujours bon grâce à la bienveillance des justes, je dois avouer avoir eu un faible à voir travailler ce grand monsieur qu’est Thorsten Brinkmann [+], artiste Hambourgeois à l’univers tout aussi foutraque que construit. À Lectoure à base de superpositions d’objets improbables autant que ces photos de selfies mis en scènes et non identifiable, Thorsten nous montre un univers d’opéras wagnériens recomposés et de la fameuse chambre rose de ce compositeur de l’ambivalence germanique.
Un rose qui dans ma tête à vite fait écho à la « pièce montée vidéo » de Marie Losier [+] toute en crème chantilly et fraises de plages, où l’humour sait dialoguer avec l’humour des tirages photographiques en noir et blanc d’Ouka Leele dont la saveur de l’univers acidulé se retrouve ainsi exhausté.
Un Rose encore, un rose aussi intense que les autres lumières qui nous immergent dans l’installation de France Dubois [+]. Des lumières qui nous traversent dans une superposition de strates abstraites prêtes à recréer une narration d’images dans notre tête, entre cinéma et photographie. La force de France Dubois qui interroge l’image en mouvement est là : cette artiste qui vit et travaille à Paris a su exploiter cet espace si particulier qu’est la Cerisaie au cœur de cet Été photographique à Lectoure.
Et puis à remonter le courant de ce parcours, je me vois parcourir ces incroyables forêts de mauvaises herbes et de chardons en compagnie de leur créateur, l’artiste madrilène Miguel Ángel Tornero [+], ces forêts à la manière collagiste qui se déploient de la Halle au grain de Lectoure jusqu’aux petites salles de l’école Bladet sont comme des mondes parallèles où l’intrusion de mauvaises herbes reprenaient le pouvoir dans la nature face à l’ingérence industrielle.
Miguel est un compagnon d’atelier à Madrid d’un autre formidable artiste, Nicolás Combarro [+], un photographe qui interroge nos architectures de sapiens, qui s’en empare, qu’il capte pour les remettre dans la perspective de la dimension humaine. Dans un processus de découpe, de peinture de mise en abîme à même l’image, qui font émerger les couleurs de nos intérieurs, le travail présenté à Lectoure nous ramène à l’essence même de l’habitat : y vivre !
Pour le coup, j’ai tellement regretté de ne pouvoir être avec Valérie du Chéné [+] lors de notre discussion de samedi face au public, elle en fut empêchée pour de tristes raisons familiale,. Nous n’avons pas pu discuter de l’écho que faisait son travail à celui de Nicolás à travers plus de 30 dessins très graphiques d’une série appelée « Lieux dits », restitutions de témoignages volontaires à propos d’endroits particulier.
Et puis encore, quel plaisir fut pour moi de rencontrer cette autre artiste dont le médium de prédilection est la vidéo. Anne-Charlotte Finel [+] nous immerge dans des images comme si nous étions nous même la loupe à travers laquelle nous les regardons. Un voyage immobile et hypnotique face à l’écran qui danse parfois, mais aussi face à des images fixées par des impressions sérigraphiques qui renforcent notre propension à créer notre narration.
Pour finir à remonter le parcours des lieux de ces expositions j’avoue avoir eu un énorme coup de cœur (encore un !) à voir le série que j’ose nommer « photos de collectes comme un chemin buissonnier » d’Annabelle Milon [+]. Annabelle, véritable incroyable chercheuse graphique, a une pratique principale qui est la gravure, elle collecte des images qui finissent par encombrer ses espaces de travail, après Bruxelles actuellement à Barcelone, ses collectes ont fini par être classées et empilées puis photographiées comme autant de strates que de notes de recherches.
J’aurais tout aussi bien vous parler de cet autre formidable photographe qu’est Étienne Courtois [+] en le mettant dans la perspective du travail de Nicolás Combarro, tant j’ai trouvé le traitement formel de l’image complémentaire. Étienne tord et retord l’image pour nous mettre en face de sa perception à travers des combinaisons de couleurs et de formes qui sortent de la représentation, propre à la photographie.
Mais en fait, et là est la force de toutes ces expositions réparties sur les quatre lieux toutes les propositions qui y sont montrées reflètent une extraordinaire cohérence.
La dernière de ces cohérences je la vois dans le travail de Louis Dassé [+], tout est une question de processus, de strates et surtout de bricologie. Je n’aurai jamais assez de mots pour dire tout le bien que je pense du travail de Louis, cet artiste vit et travaille maintenant dans cette bonne vieille ville de Marseille, je trouve que cela lui convient à merveille.
Je me suis un peu lâché à propos de cette merveilleuse édition 2022 de l’Été photographique de Lectoure mise en œuvre par cette extraordinaire vision qu’a eue Émilie Flory à travers les quatre lieux d’expositions et le travail des artistes qu’elle a amené·e·s avec elle. Un petit pincement reste au fond de mon cœur quand je sais que marie-Frédérique Hallin partira à la fin de la saison de ce Centre d’art et de photographie de Lectoure. Depuis plus de 7 ans elle a été une respiration exceptionnelle dans le monde de l’art dans notre région Occitane. Pas seulement parce qu’elle nous avait invité·e·s (Thérèse et moi) lors d’une des récentes éditions [+], mais parce qu’elle a une vision honnête de ce que doit être la diffusion de l’art et le soutien aux artistes. J’espère la voir mener de nouvelles aventures aussi chouettes que celles qu’elle a menées jours après jours dans ce territoire gersois.
Bon allez, je vous laisse avec un dessin exécuté à Lectoure il y a déjà bien longtemps dans le cadre de mon vaste projet « Aiga – La cartographie sensible de l’eau ». Dans ces temps estivaux où l’eau disparaît il me semble bien que ces dessins restent de bon aloi. Je vous souhaite une belle semaine d’été et vous donne rendez-vous lundi prochain, comme à l’habitude. Adissiatz !

La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…
PhP
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