09.01.2023 – Chronique du lundi

9 janvier 2023 § Poster un commentaire

Une bonne couche pour repartir…

Comment commencer une journée d’un hiver qui n’en est pas tout à fait un. Je me réveille dans ce petit matin du 9 janvier 2023, venteux et pluvieux au dehors, mais si douillet dans ma couette. Il est tard, bien plus tard qu’à mon habitude, 8h et des brouettes. Je me demande en cet instant même comment vais-je développer ma chronique hebdomadaire de ce lundi qui émerge autant que moi ? J’ai pourtant écrit quelques notes et repéré quelques lectures intéressante à donner en liens. Je doute ce matin.
Mais l’évidence, autant que la bienséance, me dicte avant tout de vous souhaiter comme à l’usage la bienvenue dans cet exercice éditorial du jour.

En fait, alors que mon esprit navigue nonchalant dans l’éther de pensées qui ont du mal à se former, j’observe avec amusement la petite chatte espiègle du foyer, l’adorable animal s’active à jouer comme une folle avec un bouchon en liège. Ces mouvements extérieurs me déconcentrent, à cet instant il m’est difficile d’introduire mon récit du jour. Enfin si, il me suffit de narrer ce départ en fanfare d’une année qui n’a que quelques jours. Une fanfare et ses couacs pétaradants d’une incroyable imbécilité triomphante. Des fausses notes en rafale qui ont bien cassé mes oreilles tout au long de ces premiers jours de 2023. Un enchaînement de débilités jusqu’à la dramatique apothéose d’hier et de la nuit, où au Brésil des partisanes et partisans de son précédent président d’extrême-droite fascisant, poussé·e·s par une presse au ras des égouts et des religieux hystériques, sur fond de réseaux sociaux en roue libre, mais aussi de la misère dans tous ses aspects, essayent de faire le coup de force contre son nouveau président issu de la gauche sociale et de combat. Rien de bien réjouissant dans cet événement aux relents « trumpistes » ainsi que l’on a pu le suivre sur le New-York Times [+]. Ce qui frappe le plus lors de ces tragiques événements de la nuit est bel et bien que son récit repose sur une suite de « tweets » de centaines de protagonistes de par le monde.

Le ciel est repassé au bleu entre deux averses et le vent s’est calmé. Ici dans le Midi toulousain on pourrait se croire en plein giboulées alors que nous ne sommes qu’au début du mois de janvier. À croire que tout ce dérèglement que nous faisons subir à la nature qui nous accueille influence les errances des comportements de notre société humaine. Je vais aller me faire un bon thé chaud et préparer le café pour ma chère et tendre Thérèse [+].

Le vent au dehors a l’air de vouloir repartir de plus belle. Devant mon breuvage fumant aux douces odeurs du parfum de la bergamote et sur le point d’ingérer un petit déjeuner tardif autant que frugal mais constituant, je regarde mes notes éparses, je me dis que l’on a beau changer d’année l’ineptie bat son plein. Pas besoin d’aller de l’autre côté de l’Atlantique, en Europe et particulièrement en France une bonne majorité de citoyen·ne·s n’ont pas l’intention de changer le braquet dans la course à la stupidité. Je pourrais m’en fiche depuis le temps. Et surtout me dire sans m’énerver ne rien y pouvoir, car ainsi est la nature de mes congénères. En fait, je trouve tout de même cela bien dur à l’approche de mon 61e anniversaire dans quelques jours. Je me dis que je ne m’y habituerai jamais..

En effet je suis né juste après un coup d’état [+] en France qui a vu arriver au pouvoir un général sur le retour, habillé des oripeaux d’une démocratie bourgeoise bon teint. Comme quoi les turpitudes politiques n’ont évidemment pas attendu les médias sociaux pour se déployer. Ici comme ailleurs dans la société humaine, il faut toujours cette figure tutélaire du sauveur qui dirige nos pas. On a l’impression que rien ne change dans ce fameux roman national manipulé aux hormones médiatiques. On pourra tout de même remarquer que ce général au nom prédestiné a fini par engager à l’époque un mouvement de décolonisation, certes bien forcé par les vents de l’histoire, et mis fin à l’occupation du Maghreb par la France, à l’encontre des espoirs de ses thuriféraires qui l’avaient porté au pouvoir.

Je suis né, si vous avez fait le calcul, à peine 17 ans après la fin de la seconde guerre mondiale, donc en pleine guerre d’indépendance de l’Algérie ainsi que de tous les mouvements de libération [+] qui ont secoué les puissances coloniales s’étant arrogées depuis des siècles le droit de piller le monde du sud. Ce monde que la bonne conscience européenne traitait et traite encore de sauvage à grand renfort de religion chrétienne. Rappelons ici que sauvage dans la tête de beaucoup d’imbéciles veut dire évidemment : non-civilisé [+].

J’ai vécu cette décolonisation d’assez près il me semble. En effet pour de multiples raisons familiale, la majorité de mes cousines et cousins sont métis autant que métisses. Du fait de cette enfance, de ma jeunesse et de ma vie, des rapports organiques avec ce continent africain et plus particulièrement avec l’Afrique de l’Ouest, de la Côte d’Ivoire au Sénégal où vivent les gens que j’aime et où j’ai appris beaucoup de choses de l’art [+], je n’ai jamais compris comment on pouvait considérer un ou une être humain·e supérieur·e à une ou un autre en raison de la couleur de sa peau, de son sexe ou de sa culture. Je n’arrive même pas à imaginer que l’on puisse hiérarchiser les différences chez les femmes et les hommes qui peuplent la Terre.

L’histoire se répétant sur fond de racisme [+] ordinaire est bien ce marqueur qui nous montre que nos sociétés n’apprennent rien de l’histoire, ni de la raison. Les fameux romans nationaux des états européens constitués de mensonges historiques sur les ruines du passé, sur la parole du plus fort et sur le pillage des richesses du monde sont les pires histoires que l’on puisse raconter à nos enfants.
Qu’importe la polémique actuelle sur ce film grand public actuellement à l’affiche et qui à travers une histoire singulière, retrace celle des centaines de milliers de tirailleurs sénégalais au plus fort des boucheries européennes voulues pour le plus grand profit du monde capitaliste, ce n’est qu’une polémique de plus, il y a fort à parier que d’autres et encore d’autres de ce type viendront égrener l’actualité prochaine, rien ne change, rien de nouveau…
Pour être clair : tant qu’il s’agira de brosser le poil d’électrices et d’électeurs aux idées de ras de caniveau, le pouvoir ne réaffirmera pas que le racisme est un délit en non une opinion. Et aussi, tant qu’on laissera raconter partout dans la presse que nous sommes au cœur de ce fameux « grand remplacement » [+] et de cette non moins fameuse « culture woke » [+], tant que l’on laissera, ou plutôt : fera, croire à tous ces fantasmes délirants qui n’existent que dans les neurones de cerveaux malades, alors ce racisme ordinaire perdurera et fleurira partout où les agitateurs comme les agitatrices de ces pensées nauséeuses auront pignon sur rue.

Avant de partir vaquer à des occupations plutôt administratives de début d’année, puisque la vie d’artiste c’est aussi un peu cela, toutes ces folies de racismes ordinaires me font penser à une polémique récente qui peut paraître anecdotique aux vues de celle dont je viens de vous entretenir. Une polémique [+] à propos de cette chère croix occitane. Une croix qui est inévitablement détournée en symbole graphique par des corpuscules d’extrême-droite français. Une belle ironie qui prête autant à pleurer qu’à rire tellement c’est absurde et tellement ce fameux roman national français est cruel quand il s’agit de l’Occitanie.
Dans le grand balancier de l’imbécilité humaine, cette croix pluri-millénaire qui n’est même pas forcément un symbole chrétien, s’est donc retrouvée classée comme insigne fascisant autant que fasciste par un organisme et site qui travaille à démasquer les représentations en usage à l’extrême-droite française. Que répondre à tant de stupidité ? Peut-être que le coq ou même le drapeau bleu-blanc-rouge sont aussi des symboles graphiques de l’extrême-droite en France ? Et qu’ils devraient tout autant figurer parmi ces symboles fascistes. Qu’il faudrait peut-être encore rappeler que même si une région française porte ce nom, l’Occitanie n’est justement pas une région française. Qu’elle est une culture transfrontalière car sa langue, l’occitan, est une langue parlée dans trois pays, une langue officielle dans deux de ces trois pays, la France ne figurant pas dans ces deux pays. Que tout compte fait cette croix est le symbole d’une culture qui n’est pas française et fait l’objet d’un rejet systémique par le roman national français. Sûrement autant dire tout cela que pisser dans un violon et vice-versa !

Voilà, sans m’énerver plus, je vous quitte pour aujourd’hui. Sur la Cité Mondine, la pluie s’est mise à tomber un peu plus dru que précédemment. Tant mieux pour nos sols exsangues.
Je n’ai pas parlé une seule fois d’art à part succinctement au sujet d’une partie de mon apprentissage des choses des arts visuels et plastiques à travers les yeux des cultures d’Afrique de l’Ouest [+].
Je vous en parlerai bien mieux la semaine prochaine. Tant de sujets et d’objets sont à dire sur l’art, son histoire et son présent. L’art est assurément une belle aventure à vivre au jour le jour, croyez moi. Même si cette aventure est parfois ingrate pour les artistes qui en sont les chevilles ouvrières.
Peut-être une des dernière fois (ou non !) pour un moment (ou non !), je vous laisse avec une image sortie d’un des carnets de mon projet « Aiga – La cartographie sensible de l’eau ». Bien que celle-ci m’obsède depuis longtemps, il faudrait tout de même un jour vous parler de mes autres aventures visuelles. Des aventures que je mène au jour le jour dans mon atelier depuis des décennies. Je vous souhaite une belle semaine à venir et vous donne rendez-vous lundi prochain même endroit virtuel et même temporalité étalée… Adissiatz !

Dessin de Philippe Pitet - artiste plasticien, extrait du projet "Aiga - La cartographie sensible de l'eau". Carnet des Landes - 2021-2022
Dessin du projet « Aiga – La cartographie sensible de l’eau ». Carnet des Landes – 2021-2022

La suite la semaine prochaine pour une nouvelle « Chronique du lundi »…

PhP

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